Eco-hameau Canto Riu

Woofing n°2

J’ai rédigé cet article en m’appuyant sur mes observations (et donc mes biais, voir page d’accueil - j’écris à travers mes biais) et sur l’interview de la personne qui m’a accueillie en woofing. Lorsque je reprendrais ses termes, ils seront notifiés "entre guillemets".

Vous découvrirez dans cet article, Clotilde, une être vivante mélodieuse ayant vécue déjà plusieurs vies, ainsi que son projet d'Eco-hameau Canto Riu sous ses différentes facettes.

Durant mon woofing, j'ai pu observer et questionner Clotilde sur son rapport au vivant : un rapport tout en spiritualité, qu'elle cultive au quotidien.

Canto Riu est pour elle un lieu sacré, avec qui elle entretient une relation miroir, chacun.e reflétant leurs parts d'ombres et de lumières.

J'ai pu également la questionner sur la vision qu'elle a de la société actuelle dans son rapport au vivant : une société matérialiste qui considère le vivant comme une ressource, où elle voit émerger de nombreuses intentions, de plus en plus conscientes et qui tendent vers le respect du vivant.

Ma rencontre avec Clotilde a été pour moi touchante et bouleversante. En effet, j'ai pris (encore plus) conscience de la place que devrait avoir les émotions au sein d'un collectif, et à quel point il faut en prendre soin (merci à la formation éco-facilitation qui me fait cheminer là dessus).

Merci à Clotilde et l'ensemble des être-vivant.e.s de Canto Riu pour leur amour et leur lumière.

Comme Clotilde, pratiquons la gratitude et l'émerveillement au quotidien.

Qui est Clotilde ?

Clotilde est une humaine mélodieuse et une "maniaquo de l’antigaspillo". En effet, pas une seule miette de nourriture ne lui résiste, notamment grâce à sa baguette magique : la maryse.

C’est une personne qui chemine dans la spiritualité* et la quête de soi. D’ailleurs, quand je lui ai demandé quelle être vivante elle est, l’image qui lui est venu en tête est celle de son enfant intérieur*.

Elle a eu de nombreuses vies, allant de la garde d’enfants en difficultés à professeure de musique, de famille d’accueil à aide-ménagère, jusqu’à aujourd’hui : une bricoleuse et jardinière bien rodée.

Qu'est-ce que Canto Riu ?

Un lieu verdoyant où vivent différent.e.s vivant.e.s

C’est après des vacances en Ariège, que Clotilde s’est dit qu’elle devait s’y installer : elle a été séduite par la végétation, les cours d’eau et "le silence de la nature".

"Je me suis décidée d’acheter ce lieu [il y a 14 ans] et pas un autre, car, lorsque j’arrivais ici, je ressentais de la joie. Donc pour moi c’était un signe : si je ressens de la joie, il faut que j’y aille."

Canto Riu est un lieu vallonné, situé en moyenne montagne, dans le hameau de Baychenat, et s’étend sur 30 hectares. Son climat humide plaît beaucoup à la végétation, qui trouve bien sa place : Clotilde y cueille souvent des plantes sauvages, médicinales ou aromatiques pour ses salades ou ses tisanes.

Il y a des sources d’eau potables sur le terrain qui permettent à Clotilde d’avoir accès à l’eau en toute autonomie.

Il n’y a pas que Clotilde qui vit sur le lieu. On y retrouve :

- Les chien.ne.s : Chicou le câlineur et Kaïla l’aboyeuse ;

- Les âne.sse.s : Ganèche le libre, Noé le hennisseur, Chanti le malicieux, Léon le vieux tranquille, et Couech la force de caractère ;

- Les chattes : Nina l'indépendante et Olympe une alarme à repas.

Et, bien sûr, beaucoup de végétaux cultivés (qui n'auront malheureusement pas le privilège d'une présentation individuelle, en raison de leur nombre), ainsi que d'autres animaux autres qu'humain.e.s et végétaux sauvages.

La rivière qui chante 

Canto Riu en occitan veut dire "la rivière qui chante". 

Clotilde m'explique que :

  • Riu (rivière) fait référence à la rivière et la source présentes sur le lieu ;
  • Canto (chant) fait référence aux chants du vivant qu'elle a vraiment appréciés en arrivant et dont elle s'émerveille chaque jour : les oiseaux, la rivière, le vent dans les arbres… qui changent bien du bruit assourdissant des voitures !

Suite à son explication, je trouve que c'est un nom reflète également Clotilde : une personne qui aime chanter, avec un réel amour pour la musique.

Un projet d'éco hameau

Petite, Clotilde vivait en Afrique. Elle était dans un village intergénérationnel, où l’entraide et le partage étaient bien présent.e.s.

Marquée par cette "mémoire d’Afrique", ce projet d’éco hameau était donc, pour elle, une évidence. Elle a économisé, pour cela, dès son premier revenu. "J’avais ce projet d’éco hameau même avant d’avoir entendu parler de ce concept."

"Je trouve que l’idée de parquer en grand nombre, les gens d’un même âge, de même conditions, n’est pas très naturel."

L’idée du projet est de réunir des personnes, de tous âges et tous horizons, autour de valeurs communes. Ce qui est important pour elle, se sont des valeurs telles que la bienveillance, le non jugement et la communication non-violente. Elle aimerait également partager le quotidien de personnes qui sont dans la spiritualité, et/ou qui ont entamé un cheminement dans leur développement personnel et leur relation au collectif.

Clotilde souhaite également vivre dans un mode de vie le plus sobre possible, et vise l’autonomie énergétique.

Elle veut vivre avec une certaine autonomie mais pas en autarcie. Elle a, par exemple, de très bons contacts avec les habitant.e.s du village voisin, avec lesquel.le.s iels se rendent des services mutuels.

Elle fait également partie du conseil municipal d’Esplas de Sérou, et participe donc aux projets de la commune.

Des difficultés

C’est un beau projet qui met du temps à se développer. En effet, Clotilde a vécu "pas mal d’épreuves initiatiques" depuis son arrivée.

  • Le climat

La maison, où se trouve actuellement Clotilde, est au milieu du hameau, dans un endroit enclavé. Les hivers y sont donc assez rudes du fait du froid et de l’humidité.


  • Beaucoup de travaux en cours

La maison où s’est installée Clotilde est totalement habitable. Mais comme expliqué ci-dessus, les hivers y sont rudes. Elle a donc décidé de construire une maison ronde avec les matériaux présents sur place (terre, bois, roche…) située sur les hauteurs du terrain. C’est un chantier qu’elle a entamé il y a 4 ans : l’ossature bois est posée et deux murs sont réalisés, mais tout le reste est encore à faire.

Une annexe à sa maison est en cours de travaux pour pouvoir accueillir des personnes de passage.

D'autres bâtiments peuvent être rénovés pour accueillir des personnes qui souhaiteraient s'installer à Canto Riu.

En parallèle, il y a tout le travail à faire en ce qui concerne le jardin (préparation de la terre, plantation, débroussaillage et désherbage…).

Dans les tâches à faire, Clotilde rajoute aussi la gestion de l’eau (aller chercher l'eau potable à la source, acheminer l'eau de pluie au jardin etc.), qui n’est pas un travail en soi mais : "ça rajoute quelque chose en plus, dont il faut quand même s’occuper."


  • Un projet pas totalement défini

La mairie est au courant du projet de Clotilde, et semble plutôt favorable à sa création.

L’accord officiel, pour la construction d’habitats plus écologiques (maisons rondes, tipis etc) et pour le projet d’éco hameau, n’est pas encore donné, car il faut que Clotilde monte un dossier pour le présenter et le faire valider.

Ces éléments font que le cadre juridique n'est pas encore défini (en cas de départ du lieu par exemple).

Clotilde aimerait définir tous ces aspects avec les futur.e.s habitant.e.s de Canto Riu .


  • Des personnes de passages

Il y a déjà eu des personnes qui on voulu s’installer, mais qui sont parties : cela est allé de quelques mois jusqu’à un maximum de 3 ans.

Il y a plusieurs raisons pour lesquels cela n’a pas fonctionné : au niveau des modes de vie ; des valeurs communes ; la communication au sein du groupe ; l’investissement aux tâches communes.

Il y a également différents aspects qui freinent l'installation de nouvelles personnes sur le lieu : l'ampleur des travaux qui peut faire peur ; le cadre du projet pas totalement défini (voir ci-dessus).

Aujourd'hui, un couple avec leur enfant viennent s'installer plusieurs mois afin de voir si cela leur convient sur du long terme. Un autre s'interroge également à intégrer le projet.


  • Investissement financier

Clotilde ne veut pas que l'aspect financier soit un critère pour intégrer le projet. Elle souhaite que le collectif qui se formera, définisse les modalités d'accueil pour des personnes pour qui cet aspect serait plus compliqué, et que tout le monde puisse trouver son équilibre.

L'investissement financier fait parti des freins à l'installation de certaines personnes.


Et son rapport aux vivant.e.s ?

Quelques définitions

J’ai demandé à Clotilde quelle est sa vision du vivant, afin de voir d’où elle parle et de mieux comprendre le rapport qu’elle a avec le vivant.

Être vivant.e.s ?

Clotilde ne voit pas une définition précise au terme vivant. Elle pense qu’il y a "beaucoup plus de formes d’êtres vivants qu’on ne le croit" qui s’incarnent :

  • tant dans le monde physique, ce que l’on voit avec nos yeux :

"Ils ont découvert dans les profondeurs sous marine, des êtres vivants qui ne répondaient pas du tout aux critères [biologiques, physiologiques, physiques] définis par nous humains : comment ils peuvent supporter autant de pressions sur eux, le fait de ne pas avoir de lumière etc. "

  • que dans le monde subtile, ce que l’on peut ressentir :

"Il m’est arrivée dans un état méditatif de sentir la vie grouiller autour de moi. Comme si ce n’était pas que des petits animaux et des plantes autour de moi, cette nature que je vois physiquement. Mais comme si je voyais des parties plus subtiles, comme des petits êtres tous lumineux et vivants qui étaient là. Donc un être vivant ce n’est pas seulement physique, ça peut être aussi plus subtile. Donc ça va loin, ça va aussi dans une forme de mystère. Je pense que je ne le maîtrise pas, et que je ne connais pas tous les types d’êtres vivants.

Donc oui, je pense qu’il y a des êtres vivants qui ne sont pas sur les mêmes niveaux que nous, mais qui sont là quand même."

Non-vivant.e.s ?

"La vie est dans chaque atome, dans chaque parcelle de matière. C’est difficile de dire qu’il existe du non vivant. Même ma voiture, qui est très transformée, est faite à partir de vivant. On pourrait dire que c’est du non-vivant, mais je n’en suis pas sûre."

Pour Clotilde c'est vrai aussi bien sur un plan physique, mais également sur un plan spirituel.

"L’esprit est pour moi plus fort que la matière. Il peut avoir une incidence sur mon ordinateur ou sur mon portable par exemple. Si je beugue parce que je ne me sens pas assez douée avec le portable ou l’ordinateur, et bien, lui aussi, il va beuguer, comme si lui aussi avait sa réaction par rapport à moi."

Et la nature ?

Elle est "choquée" par la représentation majoritaire que l’on se fait de la nature aujourd’hui : un élément extérieur à l’espèce humaine "alors que nous sommes un élément de la nature."

"C’est un mot que l’on emploi par habitude, mais ce n’est pas juste de considérer que nous en sommes séparés."

"Je pense que le terme vivant serait plus approprié. C’est un terme beaucoup plus global et qui englobe plusieurs formes de vie.

Il fait référence au fil conducteur qui relie toutes formes de vie, qui fait qu’il y a une interdépendance avec toutes ces formes là."

Un rapport sensible et spirituel

Clotilde est une personne très connectée (je ne parle pas d’internet, mais bien de connexion avec celleux qui l’entourent).

Elle pratique régulièrement la méditation, et c’est via ces moments de reconnexion à soi qu’elle s’ouvre aux autres. C’est ce qui lui donne un sentiment d’unité et d’appartenance à un tout.

"[La méditation] me permet de percevoir qu’il y a une énergie commune dans tout être vivant, dans tout atome de vie et, peut être même, dans l’univers. Ça va, pour moi, au-delà du matérialisme. Le vivant, la vie, c’est aussi l’unité. C’est le fait que tout est relié par ce fil conducteur, par cette énergie de la vie, et que je peux ressentir quand je pratique la méditation et que je me laisse aller à ressentir cette énergie là."


Elle m’a souvent répété pendant mon séjour "connecte toi avec la plante pour la reconnaître." Pas toujours évident pour moi en tant que novice dans la reconnaissance des plantes, et, surtout, difficile d'écouter mon intuition quand le mental, avec ses pensées limitantes, prend le dessus.

En effet, Clotilde parle beaucoup avec le vivant autour d’elle. Elle est quotidiennement dans la gratitude et l’émerveillement envers elleux.

"J’essaie, avec les animaux, de leur parler comme si se sont des êtres vivants qui comprennent, et je pense qu’ils captent beaucoup de choses.

Par exemple, j’aidais un ami apiculteur qui disait que certaines abeilles étaient très nerveuses et qui le piquaient. Quand je suis venue, je leur disais : merci, je t’aime, on récolte le miel mais on vous en laisse, merci à vous et on va vous soigner en échange.

Simplement : merci, je t’aime. Je fais ça aussi avec les plantes. Si je cueille des plantes pour ma salade, je vais dire : merci, je t’aime. Quand je désherbe, je trouve que je sème un peu la mort d’une certaine façon. Mais je le fais car je cultive mon jardin et que je ne peux pas laisser toutes les herbes sauvages. Donc je peux dire parfois : désolé, pardon, merci, je t’aime. Tu sais, comme le mantra Ho'oponopono*. J’essaie d’être dans le respect et de continuer à percevoir que tout ça est vivant.

Même quand je récolte des pierres pour mon chemin ou mon parking, je peux dire merci. J’essaie de prendre ça en compte dans mon quotidien."


Clotilde est une vivante qui essaie d’avoir conscience des biais qu'elle peut avoir et d’être ouverte au dialogue.

"J’essaie aussi au maximum d’être dans le respect avec les êtres humains, de m’imaginer à la place de la personne en face de moi. Je pense que c’est important de se dire que l’autre est un autre moi-même. Si on est dans cette recherche de conscience de l’unité, ce truc là de miroir de l’autre, on peut être plus dans le respect. Mais même, à la limite avec toutes formes de vie. En ça, le respect est vraiment important."


Anecdote 

Clotilde discute aussi avec les fourmis, et leur demande de déménager si elles sont à un endroit du jardin qui ne l’arrange pas. On ne l’a pas vraiment fait ensemble au jardin, mais on contournait les fourmilières pour faire les plantations.

Dans la chambre où je dormais, j’ai remarqué que, quand j’ouvrais ma fenêtre, quelques fourmis tombaient (d’ailleurs, j’en avais déjà senti sur moi pendant la nuit).

Un jour, j’ouvre la fenêtre et là, beaucoup de fourmis tombent ! Je me dis : tant pis, je les laisse et ce soir elles seront parties. Mais pas du tout ! Quand je suis revenue dans ma chambre et que j’ai soulevé ma couverture… énormément de fourmis se trouvaient dessous !

J’ai donc dû changer de lit pour une nuit.

J’ai demandé très fort aux fourmis de déménager, ainsi qu’aux esprits de la nature de m’aider à leur faire passer le message.

Le lendemain je n’ai vu que quelques petites fourmis, puis les jours suivant plus personnes. Je vous avoue je n’ai plus osé toucher à la fenêtre, de peur qu’elles reviennent.

Le matin avant mon départ, je décide de faire un test. J’ouvre la fenêtre. Plus aucunes fourmis, même pas une !

Merci à elles d’avoir bien voulu changer d’endroit pour vivre !

Une relation entre ombre et lumière avec Canto Riu

Canto Riu est un lieu vivant qui a son histoire : "Ce lieu n’est pas neutre. Il s’est passé des choses : des morts, des violences, des zizanies etc." avec lesquelles Clotilde essaie, par le chant ou la méditation, "d’apporter une énergie plus lumineuse et plus harmonisante pour nettoyer ce lieu."

Ayant aussi vécu des moments difficiles, comme des moments de joies, elle continue de faire ces nettoyages, car chaque vivant.e emmagasine les énergies qui l’entourent. Il "reste des mémoires" que ça soit dans ce lieu, en elle, ou tout être vivant.e.


En plus de ces mémoires, ce lieu aurait : "une source magique, un rocher magique et un près magique. Il y a des endroits avec une très belle énergie. Soit parce qu’ils sont très préservés, soit parce qu’ils sont tout simplement beaux, soit parce qu’il y a une énergie particulière."

Endroits magiques grâce auxquels elle a pu se "reconnecter à la joie et à l’émerveillement de la beauté."

"Je sens vraiment qu’il y a un truc qui me dépasse et qu’il y a quelque chose de beau."


A la manière du vivant, elle cherche aussi l'unité avec et dans le lieu :

"On m’a mise en garde sur le fait que les ruisseaux, les routes ou les chemins, peuvent être des coupures dans un lieu, qui peuvent mettre comme une dualité entre les personnes qui habitent le lieu. Quelques fois je fais des méditations pour essayer de visualiser que tout est relié, pour qu'il y ait une unité : comme des ponts de lumière ou un réseau de racines de mycélium qui relient toutes les parties."


Cela se voit que Canto Riu est un endroit sacré pour Clotilde, avec lequel elle se sent en connexion. Si bien que le côté ombragé et ensoleillé de Canto Riu, refléterait les parts d’ombres et de lumières de Clotilde.

Un sentiment de responsabilité

Au milieu de tout ce vivant, elle ressent, en tant qu’espèce humaine, une certaine responsabilité.

"Je pense que les humains, par manque d’humilité, ont voulu ce qu’ils appellent dominer la nature, et ont fait quand même beaucoup de bêtises. J’ai dû en faire partie, soit moi dans mes vies antérieures, mes ancêtres ou les mémoires que je porte. De toute façon, j’ai aussi une part de responsabilité. 

Je pense que, si l'on a conscience de sa responsabilité, on peut décider autrement que de juste profiter de la nature ou de son environnement et dire : après moi le déluge !

C’est important d’être plus responsable et conscient, pour faire les choses plus dans le respect.

Il me semble que, en tant qu’humaine, je dois faire ça. Et si je peux me relier avec d’autres gens qui sont dans la même énergie, ou inciter d’autres personnes à être dans cette énergie. J’aimerai bien participer à plus de responsabilités dans le respect de toutes formes de vie, et d’être dans cette harmonie qui existe déjà dans le vivant."

Une sensibilité depuis son plus jeune âge et une prise de conscience qui ne cesse d’évoluer

Même si Clotilde n’avait pas la conscience du vivant qu’elle a aujourd’hui, plus jeune elle pensait des choses qui "gênait certains."

"Je me souviens d’un exemple. J’avais 17 ans et on faisait un film avec un groupe d’élèves du lycée. Le gars, qui animait l’activité, et qui nous donnait les moyens techniques de fabriquer ce film, était très matérialiste. Il était pour la révolution mais avec une vison un peu communiste.

Dans ce film, je voulais mettre une image que je trouvais très belle : c’était une plante qui poussait le macadam*.

Quand tu fais de la géologie, tu apprends que le minéral qui raye l’autre c’est le plus solide, et, celui qui est rayé, le moins solide. Et là, tu voyais une petite plante toute tendre, capable de soulever le macadam qui est plus dur qu’elle. Et je me disais : ça c’est la force de vie qui est dans la plante, et respect tu vois, il faut le respecter ça.

Et le gars ne voulait pas, il m’a censurée. Ça le gênait que je mette cette image dans le film. Il disait : si on met cette image, il faut mettre un pied qui va écraser ça.

Et moi non je voulais surtout pas faire ça. 

Donc je pense que, depuis très longtemps, j’avais déjà cette notion là, comme ancrée en moi. Toute jeune quand même, j’étais choquée par certaines attitudes déjà. Mais ça a évolué évidemment. C’est devenu plus conscient."


Ce sont une sensibilité et une conscience qui « datent de loin ». Elles ont été cultivées dès son plus jeune âge, grâce à la possibilité de se connecter à des endroits de nature. En effet, elle a toujours vécu avec un jardin, ou dans un lieu avec des parcs à proximité, "avec des arbres et des oiseaux."

"Je me souviens [environ à l’âge de 5 ans] de moments que je passais dans un jardin. C’était le jardin d’une grand-mère, et je sentais cette connexion déjà. Alors que les autres allaient à l’école, j’avais ma petite grand-mère, Mme Brain, qui me montrait ses abeilles, son jardin et ses asperges. J’étais émerveillée. Ça a toujours été important pour moi d’être en contact avec la nature."


Sa vision de la société concernant son rapport aux vivant.e.s

Une société matérialiste mais des individus qui prennent conscience

Clotilde a une vision de notre société occidentale comme une société "matérialiste" et qui, dans son rapport au vivant, voit plutôt ce vivant comme une ressource et quelque chose de monétaire que l’on va utiliser.

Mais elle pense aussi qu’il y a des « éléments très positifs, de prise de conscience et de changement de paradigme », et que, quand même, une partie de cette société commence à bouger.

"Il y a une trentaine d’années maintenant, j’avais fait une formation, un peu comme toi, sur la sécurité et l’environnement. On avait un cours avec quelqu’un qui nous parlait de communication et des valeurs. Il fallait classer les valeurs par ordre d’importance et arriver à quelle valeur est la plus importante : l’argent ou la vie ? Il n’y avait que moi qui disait la vie.

Tous les autres disaient : c’est l’argent, puisqu’il faut de l’argent pour vivre.

J’étais vu comme une idéaliste, et à moitié folle, parce que je disais : si je suis vivante, je peux encore aller cueillir dans la nature, me faire offrir un repas ou n’importe quoi, mais je suis vivante. Si j’ai de l’argent mais que je suis morte je ne vois pas ce que ça va me donner.

Il me semble que ça a évolué maintenant, et qu’un peu plus de gens pourraient dire : c’est la vie qui vient avant l’argent.

Je suis peut-être idéaliste, mais il y a quand même cette force de conscience qui surgit."

L’espoir d’un futur en paix

Clotilde pense que l’on est dans une "période charnière", qui oscille entre des éléments très positifs, de prise de conscience, et des éléments plus difficiles, avec des côtés "égoïstes et sans respect."

"Dans cette période charnière où il y a des choix à faire, j’espère que ça va plutôt basculer vers le côté positif.

J’ai de l’espoir sur le fait que l’on arrive à plus de conscience, et donc, à plus de respect les uns des autres, et de tout ce qui est vivant et autour de nous. Et que les injustices vont s’amoindrir de plus en plus. On a tous les mêmes droits.

Je suis peut-être naïve, mais certains disent que l’on arrive dans un âge du verseau et que l’on approche de l’âge d’or, où il y aura un peu plus de paix, d’amour, de conscience et de respect. Donc j’espère oui. Sinon je me dis que l’on va être détruit.

Je suis assez d’accord avec ce truc : le 21ème siècle sera spirituel ou ne sera pas. Dans le sens plus conscient, plus respectueux, plus d’amour et avec une recherche de paix véritable. Sinon on est foutu.

Être positif est difficile quand même, mais j’essaie de pas le vivre trop en dualité et de garder de l’espoir, même avec cette société qui est ce qu’elle est. »

 

Bonus véganisme

"Je me dis que, pour l’instant, je ne suis que végétarienne et que, un jour ou l’autre, je vais tendre vers plus de veganisme.

Je pense que, le premier truc que je supprimerai, c’est les produits laitiers. Parce que je pense que c’est ce qui exploite le plus les animaux et qui occasionne le plus de souffrances.

Peut-être encore que les œufs, en tout cas certaines façons de produire des œufs, dans une petite ferme avec des poules dehors, ça m’irait. Mais ce qui n’est pas la plus part des œufs.

Le miel aussi. J’ai connu des apiculteurs qui font du miel avec plus de respect.

Une des erreurs humaines est que l’on fait trop d’élevage. Dans certains pays on fait même avancer le désert à cause de ça : on pompe trop d’eau dans les nappes phréatiques pour faire du maïs, pour fabriquer des protéines animales ; les troupeaux mangent les repousses d’arbres. Donc quand il n’y a plus d’arbres, il y a de moins en moins de pluie et le désert avance.

Ça serait capital de faire beaucoup moins d’élevages, et d’aller même vers un arrêt des élevages."

Conclusion

Une rencontre touchante et l’importance des émotions

J’ai été touchée par ma rencontre avec Clotilde.

D’une part, par ses yeux pétillants quand elle me racontait une anecdote. Et d’autre part car, du haut de ses 70 ans, elle trouve toujours la force pour mener à bien ce projet Canto Riu, qu’elle a depuis plusieurs années. Elle continue à le porter et ne perd pas espoir, malgré les moments difficiles.


Je crois que c’est la première fois que je rencontre une personne âgée qui ne me dit pas "tu sais, à mon âge, je ne vais pas changer."

Je me suis rendue compte de ça quand elle m’a dit qu’elle n’est "que végétarienne" et qu’elle pense aller plus vers du véganisme.

Ça vient peut être du fait que, pour elle, le temps n’existe pas et qu’on a plusieurs vies.


C’était très enrichissant pour moi d’être avec une personne aussi ouverte à la spiritualité.

Car je suis moi même dans ce cheminement, et ce n’est pas toujours évident de trouver une personne avec qui en parler sans paraître « perchée » ou « folle ».


Cela fait maintenant 1,5 mois que je suis partie dans mon tour à vélo. Être seule, sans repaires et hors de ma zone de confort, décuple ce que je ressens. Gérer mes émotions, tout en essayant de m'adapter au quotidien des personnes que je rencontre n'est pas toujours chose facile.  

Faire la formation éco-facilitation, en parallèle de ce périple, me permet d'avoir un moment pour me centrer sur moi et prendre du recul sur ce que je ressens.

J'ai vécu le quotidien de Clotilde avec ses hauts et ses bas et j'ai accumulé beaucoup de ressenti. Quand j'ai pu sortir une partie de ce que j'avais sur le cœur, ça m'a fait du bien.


Tout cela me montre à quel point il est important de prendre soin de ses émotions, surtout dans un collectif. Il peut y avoir des frustrations qui s’accumulent, qui peuvent engendrer, parfois inutilement, des tensions ou des incompréhensions.

On est toustes différent.e.s : il y a des personnes extraverties, qui arrivent facilement à s’exprimer, et d’autres plus introverties dont c’est moins le cas.

Je pense qu'il est important dans un collectif de mettre en place des moments de paroles pour libérer ses émotions. Un espace d’écoute, où tout le monde, tous types de personnalité, auraient la place de s’exprimer (si iels le souhaitent). Et je pense qu'il serait utile de mettre ça en place dès la construction du collectif.


Cela pourrait sûrement être utile aussi bien dans des woofings, même si ce n’est pas de longues périodes. Personnellement, je pense que pour mes 20 jours de woofing, ça m’aurait peut être fait du bien.


Pour conclure cet article, je vais finir avec la dernière phrase de l’interview de Clotilde, que j’essaie de m’appliquer, et que je vous conseille d’essayer : "J’essaie de pratiquer l’émerveillement et la beauté au quotidien."


Eva FOURCADE - 20 mai 2023

Définitions 

  • Enfant intérieur : En psychologie, l'enfant intérieur est considéré comme une partie de nous. En thérapie, on va généralement à la rencontre de son enfant intérieur pour soigner des blessures profondes.
  • Macadam : technique de revêtement du sol, qui consiste à mettre des couches successives de cailloux de granulométries différentes et de les tasser via des rouleaux compresseurs. Cette technique est abandonnée courant XXème siècle, mais son principe de blocage des pierres est toujours mise en œuvre dans la couche d'assise des routes. - Source Wikipédia
  • Mantra Ho'oponopono :  Le mot mantra trouve son origine dans la langue sanscrite et signifie "protection par la pensée". Ils sont généralement utilisés dans les méditations sonores. En fonction de la pensée que l'on veut faire "agir" sur nous, on va choisir un mantra en particulier (il en existe des milliers !). Ho'oponopono signifie : "désolé, pardon, merci, je t'aime". En le disant, on reconnaît sa responsabilité face à une situation, on prend de la distance sur ce qu'elle nous fait ressentir, et on s'ouvre à des solutions, dans un désire de guérison et de réconciliation. - Source Wikipédia + Blog Yoganimé
  • Spiritualité : le terme de spiritualité est à prendre au sens de "l'esprit" et de tout ce qui touche au cheminement personnel. On ne traite pas ici de spiritualité liée à une religion.



La Consoude
Une plante vivace et médicinale