Inspirations


Lectures que j'affectionne et qui m'ont questionné sur mon rapport au vivant

Au nom des requins

de François Sarano

Extrait du chapitre 9 "La confrontation", où François Sarano se demande comment changer de regard sur lae requin si l'on a pas conscience de qui elle/il est. 

Faut-il aller jusqu'à proposer, à ceux qui ne savent pas plonger, de découvrir les requins dans des conditions artificielles ?

Il parle ici de certain.e.s moniteurices qui organisent des plongées et qui nourrissent les requins à la mains pour que les personnes puissent rencontrer.

Cette extrême proximité à ces avantages. Elle fait disparaître la peur des plongeurs et convertit le plus circonspect des observateurs en un défenseur des requins, car, lorsque les regards se croisent, le lien qui s'établit est indéfectible. Objectif atteint, me direz-vous. Oui, mais quel objectif? Augmenter le nombre de protecteurs des requins? Alors c'est gagné! Mais si l'objectif est de se réinsérer "parcelle de vivant" parmi les "Autres", personnes non humaines, alors c'est désespérément perdu. 
Car le show renforce la conviction que la nature est là pour satisfaire nos envie de "tout, tout de suite", à des années-lumière de la réalité en milieu sauvage où les heures d'attente patiente, souvent sans résultat, nous réinsèrent dans le cycle du temps et nous donnent la jouissance de la rareté. Même avec des requins sauvages en liberté, le show entretient l'idée que l'homme est au-dessus des autres êtres vivants et qu'il a le droit de gérer, d'exploiter, de préserver et de jouir d'une nature qu'il lui est extérieure et dont il dispose à sa guise. Cette mise en scène perpétue le dualisme "culture/nature" que la rencontre avec la vie sauvage imprévisible est censée effacer."

La dernière étreinte

Le monde fabuleux des émotions animales... et ce qu'il révèle de nous - de Frans De Waal

Personnellement, je ne me suis jamais vraiment demandé si les animaux avaient des émotions, mais comment la science avait pu les négliger pendant si longtemps. 
Pourquoi avons-nous consacré tant d'énergie à nier ou railler une telle évidence ?
L'idée que les animaux aient des émotions, comme nous, met encore mal à l'aise beaucoup de chercheur un peu obtus. C'est en partie parce que les animaux ne font jamais part de sentiments et parce que les sentiments suppose un niveau de conscience qu'ils refusent de leur accorder. 

Les grandes oubliées 

Pourquoi l'Histoire a effacé les femmes - de Titiou Lecoq

Extrait du chapitre 4 "Guerrières et citoyennes dans l'Antiquité", où elle parle des rites d'initiation pour devenir adulte et que cela n'était pas réservé qu'aux hommes.

Le rite d'initiation, c'était tellement un truc de mec dans ma tête que j'ai été stupéfaite d'apprendre qu'il en existait pour les filles dans l'Antiquité grecque, à Athènes. Cela concernait les filles nobles, avant la puberté. Le rite s'appelait arkteia ("femme-ours"). Réunies dans le sanctuaire d'Artémis, déesse de la nature, de la chasse et des accouchements, les filles se déguisaient en ourses sauvages ; il y avait le sacrifice d'une chèvre, une fête, un mystère, et la cérémonie se finissait par une course à pied où les participantes étaient, semble-t-il, nues. C'est donc très loin de nos clichés.
Cette idée de rite de passage rappelle également qu'on n'est pas femme par nature. Ni homme. On se construit en tant que femme ou homme ; il ne s'agit pas d'une simple donnée biologique, mais d'un lent accomplissement social. Or, notre société a eu tendance à oublier cette aspect.

Les droits des animaux en questions

Textes de Dominic Hofbauer et illustrations de Rosa B.

Extrait du chapitre 2 "De l'histoire ancienne aux débats d'aujourd'hui", partie "Sommes-nous spécistes?"

Le spécisme peut ainsi être défini comme un préjugé qui accorde aux individus une considération morale différente en fonction de leur espèce, qui néglige les intérêts de certains individus au seul motif qu'ils ne sont pas humains. En d'autres termes : le suprémacisme humain.
" Si nous acceptons comme moralement inacceptable de faire souffrir délibérément des êtres humains innocents, alors il est logique de trouver inacceptable de faire souffrir délibérément des êtres innocents d'autres espèces. Le temps est venu d'agir selon cette logique. " - GOLDOVITCH Stanley et Roslind, HARRIS John, Animals, Men and Morals, Grove Press, Inc. 1971. [...]

Antispécisme et lutte des classes 

Brochure des éditions Cafarnaüm

Et si l’antispécisme c’était plus qu’un régime alimentaire, pas seulement une position morale, autre chose qu’une empathie de principe envers la souffrance ? Et si c’était une critique radicale de l’organisation sociale qu’on subit au quotidien ? Et si être antispé c’était, aussi, envisager des actions directes qui s’attaquent aux structures et aux institutions économiques, sans lien évident avec l’élevage et l’abattage d’animaux non-humain.es ? Qu’on se le dise, le véganisme capitaliste, lifestyle hipster et urbain, s’accorde aux chemises à fleurs et aux bars à jus gentrificateurs. Il rate l’essentiel : le capitalisme est aujourd’hui le moteur principal de la domination spéciste. Mobiliser ses outils pour faire cesser la domination exercée sur les animaux-non humain.es constitue une impasse. Si le capitalisme veut nous faire agir en consommateurice ou en entrepreneurice pour transformer la société, ce qui compte pour nous, c’est prendre la question sur le plan collectif et politique.

Animal

La Relève et la Peste

Extrait de l'édito rédigé par Jérémie CARROY, créateur de la Relève et la Peste.

Face aux divers sujets qui seront abordés, face à l'atrocité de l'être humain envers le peuple animal, dont l'extinction est une véritable tragédie, je voulais simplement leur rendre hommage. Ces animaux qui nous fixent droit dans les yeux nous interrogent : que sommes-nous en train de faire ? Nous avons banalisé en tout point la violence faite aux animaux. Nous parlons de "spectacles" pour désigner la corrida et les cirques. Nous parlons de "divertissement" lorsque nous visitons un zoo qui n'est qu'une prison d'innocents à ciel ouvert. Nous parlons d'élevages industriels alors que nous devrions parler d'extermination de masse et pour certains, nous parlons de loisir lorsqu'il faut nommer la chasse. J'ai choisit, face à l'atrocité, de représenter ce monde animal avec un peu de magie et de féérie. Car ce "sauvage" que nous avons oublié et que nous sommes en train de détruire est d'une intelligence sans égale.

L'Homme et la Nature

Comment renouer ce lien secret - de Peter Wohlleben

Extrait du chapitre "Les enfants sont nos professeurs".

Sortir un casse-croûte avec de la terre collée aux doigts : assister à cela sans rien dire, c'est trop demander à certains parents. La terre de la forêt est-elle vraiment sale ? Bien sûr que non puisqu'elle est constituée de minéraux et d'humus, dont les composants ne sont ni sales ni toxiques. Laissez donc les enfants fouiller énergétiquement la terre, et mieux encore : faites-en autant. Les enfants savent si bien nous enseigner comment nous rapprocher spontanément de la nature ! Et quand nous réussissons à jouir comme eux de la forêt, le lien quelque peu effiloché qui nous unit à la nature retrouve alors toute sa solidité.

La composition des mondes

Philippe Descola entretiens avec Pierre Charbonnier

Extrait du chapitre II "Le séjour amazonien et les enjeux de l'ethnographie au long cours", partie "Le monde de la forêt".

Pierre Charbonnier : Mais le rapport à la nature n'est pas fait seulement de médiations techniques et économiques. Comment avez-vous intégré les aspects symboliques de ce rapport ?
Philippe Descola : Ils sont fondamentaux, comme on vient de le voir avec le rôle conféré par les Achuar à Shakaim. En effet, parallèlement à toutes ces recherches méticuleuses sur l'usage des jardins et les pratiques économiques, à mesure que ma connaissance de la langue progressait, je me rendais compte que les Achuar entretenaient des rapports tout à fait singuliers avec les plantes et les animaux de la forêt, des rivières, mais aussi des jardins. [...] Deux types d'indice ont contribué à nous révéler la façon dont les Achuar conçoivent leurs relations avec les non-humains. Le premier est venu des discussions que les Achuar ont tous les jours à propos de leurs rêves au moment du réveil. [...] Parmi les récits de rêves, certains semblent très simples et illustrent à merveille les principes de l'inversion structurale [...]. 
Et puis, il y a d'autres rêves qui se prêtent à des interprétations plus littérales. Très souvent, ils mettent en scène des visites nocturnes [...]. Les rêves sont donc aussi l'occasion d'entrer en contact avec les esprits des plantes, des animaux, les esprits maîtres du gibier, les héros des mythes, les esprits des morts quelquefois [...]. Ou c'était une fois une femme qui racontait qu'une jeune fille était venue se plaindre à elle que l'on tentait de l'empoisonner ; c'était l'âme d'un plan de manioc qui avait été planté trop près d'un plan de barbasco, un poison végétal très toxique utilisé pour la pêche.

Les quatre accords toltèques

La voie de la liberté personnelle - de Don Miguel Ruiz

Extrait du chapitre "Le processus de domestication et le rêve de la planète".

Les humains rêves en permanence. Avant notre naissance, les humains nous précédant ont créé un grand rêve extérieur que l'on appelle le rêve de la société ou le rêve de la planète. Le rêve de la planète est le rêve collectif résultant des milliards de rêves personnels plus petits qui, ensemble, forment le rêve d'une famille, le rêve d'une communauté, le rêve d'une ville, le rêve d'un pays, et finalement le rêve de toute l'humanité. Le rêve de la planète comprend toutes les règles de la société, ses croyances, ses lois, ses religions, ses différentes cultures et modes de vie, ses gouvernements, ses écoles, ses événements sociaux, et ses jours fériés. Nous naissons avec la capacité de rêver, et les humains qui nous précèdent nous apprennent à le faire de la façon dont rêve la société. [...]
J'appelle cela le processus de domestication des humains. Grâce à cette domestication on apprend comment vivre et comment rêver. Au cours de notre domestication, l'information du rêve de la planète est transmise à notre rêve interne et construit tout notre système de croyances. [...]
Ce système de croyance est comme un Livre de la Loi qui dirige notre esprit. Tout ce qui se trouve dans ce Livre de la Loi est notre vérité sans l'ombre d'un doute. Tout nos jugements se fondent sur lui, même s'ils vont à l'encontre de notre nature intérieure. [...] 
Puisque tout ce qu'il y a dedans doit être vrai, tout ce qui remet en question vos croyances provoque un sentiment d'insécurité. Même si le Livre de la Loi est faux, il vous donne un sentiment de sécurité. Voilà pourquoi il faut beaucoup de courage pour remettre en question ses propres croyances. Car, même si on ne les a pas choisies, il est néanmoins vrai qu'on leur a donné notre accord. Celui-ci est si fort que même en comprenant, dans le principe, que ces croyances ne sont pas vraies, à chaque enfreinte aux règles on subit quand même la critique, la culpabilité et la honte.

Renouer avec le vivant

Hors-série de SOCIALTER

Extrait de la "Conversation avec Vinciane Despret" - Propos recueillis par Baptiste Morizot.

Une partie de la réponse de Vinciane Despret à la question de Baptiste Morizot, qui traite du terme "vivant" et de son intérêt pour "les relations entre les humains et des formes de vie différentes, mais proches."

Tu as raison, j'utilise très peu le terme "vivant". Et d'ailleurs, je n'ai que peu d'intérêt pour les abstractions. En revanche, si on l'utilise comme un qualificatif, cela commencerait à m'intéresser. D'autant que, comme tu sais, j'ai beaucoup travaillé sur les morts, qui ne sont pas vivants au sens habituel du terme, mais restent quand même très présents. Paradoxalement, les morts sont pleins de vitalité ! Dès lors, qu'est-ce qui fait qu'on est vivant ? Qu'est-ce qui fait qu'on a de la "puissance d'agir", selon cette formule héritée de Spinoza [pour le philosophe néerlandais, toute chose, pour exister, s'efforce d'affirmer se puissance d'être ou d'agir : c'est le concept de conatus, "effort", ndlr], dont tu uses toi-même dans tes livres. Pourquoi persévère-t-on dans son être, même après la mort ? Les éthologistes s'intéressent justement aux moyens mis en œuvre par les êtres vivants pour amplifier leur puissance d'agir ; moi, je m'intéresse à la manière dont les éthologiste eux-mêmes en rendent compte et la célèbrent.