La ferme du Higas

Woofing n°3

J’ai rédigé cet article en m’appuyant sur mes observations (et donc mes biais, voir page d’accueil - j’écris à travers mes biais) et sur l’interview des personnes qui m’ont accueillie en woofing. Lorsque je reprendrais leurs termes, ils seront notifiés "entre guillemets".

L’entretien s’est réalisé dans des conditions particulières car nous étions deux pour réaliser celui-ci. J’étais avec Léa, étudiante en anthropologie, qui devait interroger Franck et Thomas dans le cadre de son stage, et nous les avons interrogés en même temps.


Résumé de l'article

Vous découvrirez dans cet article Franck le survivaliste et Thomas l’ermite du jardin, qui se sont lancés il y a 7 ans dans une aventure maraîchère.

Plus encore, vous y découvrirez le petit paradis que veut construire la famille de la ferme du Higas.

Autour de quête de sens et de reconnexion à leurs sens, vous y découvrirez le rapport qu’on Thomas et Franck avec les vivant.e.s qui les entourent, ainsi qu’avec la ferme.


J’ai pu également les questionner sur la vision qu’ils ont de la société actuelle dans son rapport au vivant : une vision d’une société sur-consommatrice des ressources planétaires, avec des sens endormis, qui ne pourront être réveillés que lorsque l’on aura réellement un effondrement.

Mais ils ont quand même un côté optimistes. Peut être qu’à force de créer des initiatives plus respectueuses du vivant, des graines vont être semées, finir par germer et, peut être, engendrer un changement ?

Merci à la famille du Higas de m’avoir accueillie avec autant de bienveillance.

J’ai vraiment apprécié leur authenticité, leur sincérité et leur écoute.

Ce sont de vrais bijoux.

Qui sont Franck et Thomas ?


Franck, aka le survivaliste

Capable de réaliser un feu avec deux silex dans un appartement

Il est le spécialiste pépiniériste et arbres fruitiers de la ferme (vous pouvez écouter un épisode du podcast Les champs des Possibles, où Franck a été interrogé sur les arbres fruitiers et le greffage).

Il se considère comme "un être humain qui essaie de se réintégrer dans le vivant qui nous entoure."

Thomas, aka l'ermite du jardin

Capable de rester dans le jardin du levé du soleil  jusqu'à la nuit tombée

Il est le spécialiste du sol de la ferme.

Il se considère comme "un animal humain qui tente tant bien que mal de comprendre comment tout ce bordel fonctionne."

Franck et Thomas se voient comme des concepteurs de jardins.

Ce sont deux êtres très pédagogues qui adorent utiliser des métaphores de cuisine pour expliquer ce qu’ils font dans leur jardin.

Comme dit Franck "ça va ensemble, [l’agriculture] est la base de la cuisine".

Ce sont les co-créateurs de la ferme du Higas.

Qu'est-ce que la ferme du Higas ?

Un projet fondé par des amis

Franck a fait une école de commerce et a travaillé pendant deux ans et demi dans une banque à Paris, dans la gestion de projet.

Thomas travaillait en mécanique avion chez Airbus, à Toulouse.

C’est suite à des remises en question et à un certain mal-être dans leurs activités respectives, que la ferme du Higas est née il y a 7 ans

Thomas : "J’ai eu des prises de conscience quand je travaillais dans l’usine chez Airbus. J’avais un profond mal-être, je n’arrivais pas trop à savoir ce qui se passait. J’étais déconnecté de tout et, petit à petit, j’ai eu cette envie de nature. J’ai repris un parcours à l’université, en éco-socio, où j’étais pas mal informé sur comment notre société occidentale pesait dans le monde, notamment à travers ses pratiques d’industrialisation du monde. J’ai trouvé ça profondément injuste. Ça m’a touché à un endroit qui fait mal. J’ai trouvé ces injustices terribles et j’ai eu envie de sortir de ça. J’ai eu envie de faire autre chose et de ne plus participer à ces injustices."

Franck : "Quand tu dis que tu avais un profond mal-être, moi c’était pareil à Paris."

C’est Thomas qui est à l’initiative du projet. Il a eu un déclic après avoir lu « Permaculture : Guérir la Terre, nourrir les Hommes » de Perrine et Charles Hervé-Gruyer.

Thomas "J’étais citadin, je n’avais pas de contact avec le sol directement. C’est à travers ce livre que je me suis ouvert à tout un univers immense, dans lequel je me suis dit que, pour la première fois de ma vie, il y avait quelque chose à gratter d’intéressant, mais vraiment qui m’intéressait profondément."

Thomas a donné ce livre à deux amis, ainsi que d’autres lectures (dont le livre : Le sol, la terre et les champs de Claude et Lydia Bourguignon) et a visé juste.

Franck : "Il m’a mis deux, trois bouquins dans les mains qui ont tapé là où il fallait taper."

Et les voilà parti sans aucune compétence, ni formation en maraîchage dans cette aventure agricole.

C’était une volonté de leur part de « partir d’une page blanche » pour construire le jardin.

Ils pensent qu’il y a tout à réinventer en agriculture, surtout au vu des problématiques actuelles liées notamment au dérèglement climatique et à l’effondrement de la biodiversité.

C’est en s’inspirant de méthodes de permaculture et de maraîchage sur sol vivant qu’ils se sont lancés pour mettre en commun leur passion du vivant et retrouver du sens dans leur activité.

Thomas : "J’ai eu envie de trouver un truc plus équitable, plus stable et plus épanouissant pour moi : comment créer un lieu, comment travailler avec les plantes. C’est beaucoup plus sain et beaucoup plus vertueux."

Franck : "Quand j’étais à Paris, je me demandais vraiment ce que je faisais là. J’avais besoin de ce retour aux choses simples, d’un retour à la nature, mais c’est en faite un retour au vivant. Que ce soit un vivant animal, un vivant végétal, un vivant dans ton sol. C’est comment toi en tant qu’être vivant animal, tu t’inscris dans ton milieu, comment tu interagis avec ceux qui t’entourent."

Une ferme maraîchère

La ferme du Higas c’est 3 000 m² de jardin maraîcher qui se situe à Montbernard, dans les côteaux de la région toulousaine.


La ferme est une ancienne prairie où se trouvaient des chevaux/juments et, même si elle a été sans doute surpâturée et un peu tassée par les chevaux/juments, aucun travail mécanique du sol n’a été réalisé, ce qui était un de leur critère dans le choix du terrain.


Thomas et Franck y développent une agriculture paysanne, sans pesticides et pratiquent un maximum à la main pour favoriser la biodiversité et la santé de toustes.


Ils construisent leur jardin de façon à mettre leur énergie et l’énergie des plantes au même endroit. On retrouve donc beaucoup d’associations sur leur parcelle. Cela leur permettent d’avoir une vision plus claire du jardin et ils développent beaucoup leur réflexion sur la façon d’associer les plantes. C’est toujours un ratio à trouver entre le temps de pousse et le besoin en luminosité.

Partant du principe que le sol s’occupe mieux des plantes qu’eux, ils font tout pour que le sol se porte bien.


C’est sous les certifications Agriculture Biologique et Nature et Progrès, qu’ils produisent des légumes, des petits fruits ainsi que des fleurs comestibles, qu’ils vendent à une AMAP tous les mercredi au jardin Montplaisir à Toulouse, et qu’ils fournissent les chef.fe.s de la région.


Ils entretiennent de bonnes relations avec leurs voisin.e.s ainsi qu’avec le village qui leur fournit de la tonte pour leur paillage.

Ils se sont beaucoup questionnés sur la façon de se fournir en matière première et font en sorte de travailler un maximum avec des fournisseureuses locaux.les.

Franck : "Quand tu débutes une activité maraîchère, tu vas apporter de la matière. Il faut donc trouver cette matière. On a mis un peu de temps à avoir nos fournisseurs locaux mais Thomas a fait un gros travail de recherche. Il est allé dans des fermes voir des gens, il a tissé des liens. Il a fait un travail relationnel très important. Sans ça tu ne peux pas commencer à construire ton sol et a avoir ton activité."


Thomas : "Dès le départ on avait cette volonté de mettre un sol potager en place. Dans le temps, quand tu étais à 20 ou à 30 personnes sur la ferme, tu pouvais te débrouiller et faire tout sur place.

Sauf que, maintenant, on est dans des fermes où les gens sont isolés : tu as l’éleveur qui est tout seul qui fait ses vaches, tu as le mec qui est à 30 bornes et qui fait des chevaux. Tu n’as plus cette force humaine pour construire des lieux. Donc cette force humaine tu es obligé d’aller la chercher dans des fermes autour de toi."


Franck et Thomas sont bien organisés. Ils se sont répartis naturellement les activités en fonction de leurs goûts et leur préférences, ce qu’il fait qu’ils apprécient leurs travails et ne le prennent pas comme une corvée.


Ils se sont créés deux classeurs en fonctions de leurs lectures, apprentissages, expériences :

  • Un classeur où l’on retrouve le planning de plantation des plants et des semis ;
  • Un classeur avec les spécificités de chaque plante et ses besoins.


Sur ces documents ils y écrivent également leurs observations qui leurs servent de retour d’expérience pour créer le planning de plantation pour l’année suivante et compléter le classeur des spécificités.


Plusieurs projets sont en cours et en réflexion à la ferme :

  • Ils sont en train de construire une grande pépinière ; 
  • Des travaux sont prévues dans la grange, notamment pour accueillir le four pour l'activité de poterie d'Alizée ;
  • Ils aimeraient devenir de plus en plus autonomes au niveau de l’apport de matière au jardin, en la faisant sur place (ex : faire leur broyat avec la taille des haies, essayer des engrais verts en diversifiants leurs couverts végétaux) ;
  • Ils réfléchissent augmenter le nombre de panier à l’AMAP et /ou proposer une AMAP dans leur villages ;
  • Ils sont en pleine réflexion pour accueillir d'autres animaux sur la ferme ;
  • Ils aimeraient mettre en place au jardin :
    • Des tonnelles dans les allées pour avoir des coins ombragées, notamment l'été ;
    • Des marres, des fontaines (comme dans les jardins de curé).


Une ferme et bien plus


En plus d’être un projet maraîcher, qui réunit des amis autour de valeurs communes, j’y ai découvert une famille.

En plus de Thomas et Franck on y retrouve :

  • Alizée, qui a fait des études de communication et a débuté sa carrière dans ce domaine à Paris. Ne trouvant plus de sens dans son activité, elle a décidé de faire du woofing. Le woofing à la ferme du Higas fut son premier et dernier woofing, car elle n’est plus partie de la ferme. Elle a renoué avec ses centres d’intérêts pour l’art et le travail de la terre et s’est lancée dans une activité de poterie artisanale et a installé son atelier à la ferme du Higas (plus de détails sur le projet sur son compte instagram). Activité avec laquelle elle s’est pleinement intégrée dans le projet de la ferme et avec laquelle elle a pu trouver sa place ;
  • Elsa, qui travaille dans le service communication et relation presse d’Airbus. Elle participe au projet de décarbonation de l’aviation. Elsa a trouvé son équilibre entre son travail dans lequel elle s’y plaît et qui lui apporte aussi une stabilité financière ; et l’activité au jardin qui lui permet d’être en contact avec la nature et dans lequel elle s’épanouie ;
  • Antonia, la fille d'Elsa et Thomas, au caractère bien trempé qui a une grande fascination pour les animaux du potager ;
  • Bogda, le chat de la ferme qui adore venir donner un coup de main au jardin (il vient surtout pour avoir des câlins).

Thomas, Elsa, Antonia, Franck et Alizée vivent toustes les 5 dans la même maison. Chacun.e a son intimité et la salle de bain ainsi que le salon/cuisine sont en commun.

Iels ont mis en place une superbe organisation au sein de la maison et dans leurs activités :

  • Un planning pour savoir qui est en charge de la préparation du repas ;
  • Un drive dans lequel on retrouve :
    • Les week-end à la ferme (un couple de garde un week-end sur deux) ;
    • Leurs vacances respectives : iels s’octroient 5 semaines de vacances par famille. Quand une est en vacances, c’est l’autre qui garde la ferme et vice versa ;
    • Les dates d’accueil des woofeur.euse.s ;
    • Les évènements ou rendez-vous importants.

Des difficultés

Léa, étudiante en anthropologie, nous a parlé pendant l’entretien d’un livre : Le ménage des champs, de Xavier Noulhianne. L’auteur y décrit sa vie d’éleveur de chèvres et de brebis, et propose une critique du système agricole. On y découvre comment l’administratif a aussi été industrialisé et comment cela conditionne les projets agricoles.

Des aspects qui, comme pour beaucoup d’agriculteurices, impactent Thomas et Franck.

  • L’administratif

Franck : "On est très pollué par l’administratif. C'est des trucs hyper complexes qui te polluent l’esprit, alors que tu as envie de faire des choses simples."

N'étant pas leur métier à la base, c’est un aspect qui leur prend énormément de temps. Pour eux la solution serait soit de déléguer cette partie à une personne compétente dans le domaine, soit de s’occuper de ça dans les moments de creux, le matin avant d’aller au jardin ou le midi.


  • Le financier

Franck : "L’aspect financier c’est un souci, surtout au début. Ça dépend du projet que tu as, mais nous on a un projet dans lequel on veut faire pas mal d’investissements, pour avoir un endroit joli dans lequel on se sent bien.

Petit à petit on investit et, même si on gagne plus d’argent, on ne se paye toujours pas. Les premières années c’est plus compliqué mais j’espère que, au bout de quelques années, tu arrives à avoir un autofinancement de la ferme, c’est la première étape."


Pour les aider dans leur dossier de demandes de subventions, Thomas et Franck sont aidés par un conseiller agricole départemental.


  • Être multitâche

Devenir maraîcher.e demande d’avoir de multiples compétences. Il faut s’occuper du jardin, des travaux, des commandes pour les restaurants et l’AMAP, gérer l’administratif et les budgets, faire du travail de recherche, que ça soit pour les cultures ou pour des projets d’investissements.

Tout cela demande d’avoir une bonne organisation pour "se concentrer sur l’essentiel et prioriser pour ne pas avoir se sentiment de se noyer dans tout ce qu’il y a à faire". Ce qu’ils essaient de mettre en place à travers des budgétisations et des plannings.


  • Le facteur humain

Ces difficultés sont "des galères qui font parties de l’apprentissage" même si cela leur prend beaucoup de temps.


Mais la difficulté n°1 pour eux dans un projet reste l’aspect humain.

En effet, c’est un aspect qui peut les "booster et faire avancer les choses terriblement vite" notamment face à ces problématiques liées à l’administration, comme à la fois "les freiner terrible" voir éteindre le projet.

Difficulté vécue par Franck et Thomas qui les impactent plus que le reste.


Thomas : "Pour moi les grosses difficultés sont humaines. Il y a des difficultés administratives ou financières mais franchement sur ton moral ça joue assez peu. Ce sont des galères que je reçois très bien, elles ne me rendent pas malheureux. Alors que quand c’est humain c’est pas pareil, enfin je parle pour moi."


Franck : "C’est vraiment un aspect ultra important et compliqué à gérer suivant comment ça se passe et avec qui tu es et nous on est le parfait exemple. [A une période] ça ne se passait pas bien, ça plombait vraiment le projet. J‘avais une boule au ventre, les journées deviennent un peu chiantes. Ça tire le projet vers le bas, tu penses à autre chose qu’au projet, tu essaies de te plier en 4 pour que ça se passe bien. C’est beaucoup beaucoup d’efforts de la part de tout le monde et, quand tu as un projet qui est un peu difficile comme le nôtre, qui demande beaucoup d’énergies beaucoup de recherches, beaucoup de ressources et qu'au niveau humain ça se passe mal, c’est vraiment difficile."


En effet, la ferme du Higas a été créée à la base par trois amis qui étaient tout le temps ensemble dans le professionnel comme dans le personnel.


Thomas : "Dans une petite structure comme la nôtre, quand il y a un grain de sable, c’est compliqué à gérer. Les entreprises où il y a 20, 30, 50 voir plus de personnes, tu passes un peu inaperçu. Chacun ramène ses problèmes chez lui et basta. Je pense que c'est la force des entreprise ça.  Alors que là, les problèmes tu les ramènes chez toi mais, comme chez toi c’est aussi ton lieu de travail c’est dur à gérer."


C’est important pour eux de créer une ferme avec plusieurs personnes car chacun.e peut apporter des compétences en fonction de ses qualités. Mais des fois certaines personnes sont incompatibles ce qui amène à une séparation. C'est ce qui s'est passé avec le troisième créateurs du projet.


Thomas : "Dans un projet comme ça il faut penser aux qualités des gens et c’est trop bien. Tout le monde a des défauts, a des personnalités différentes, mais il faut saisir ce qu’il y a de bon chez les gens."


Expérience qui leur a montré à quel point il est important d’avoir des visions, des valeurs communes, d’aller dans la même direction et d’être sur la "même longueur d’onde" dans le projet.


Et leur rapport aux vivant.e.s ?

Êtres vivant.e.s ?

Pour Franck et Thomas, les êtres vivant.e.s correspondent aux animaux, aux végétaux, à "tous les êtres qui composent notre planète."

Thomas : "C’est un peu la spécificité de notre planète, c’est que tout est vivant dessus."

Non-vivant.e.s ?

Mais ils se posent quand même quelques questions sur les minéraux.

Franck : "Est-ce que tu considères qu’un minéral est vivant parce qu’il se dégrade ? Un cailloux ou un minéral n'est pas vivant, sinon ça voudrait dire qu’il y a de la vie sur mars."

Ils considèrent ce qui est transformé comme non-vivant.e.

Thomas : "Si je dois être parfaitement sincère avec toi je dirais que oui ce meuble il n’est pas vivant. Il a été vivant."

Franck : "Ce qui est marrant c’est qu’il a été vivant, qu’il a une durée de vie, avec le temps il va se patiner."

Thomas : "Ce qui est marrant c’est qu’il peut redevenir vivant, si tu le fou dehors il va se faire manger."

Franck : "Oui si tu le mets en copeau, il va aller dans le sol et se faire manger par les champignons."

Thomas : "Mais c’est vrai que ce meuble, comme la table sur laquelle on est, je ne les considère pas comme quelque chose de vivant."

Franck : "Moi non plus."

 

Et la nature ?

La nature est pour eux "ce qui n’est pas créé par les êtres humains."

Thomas : "Clairement l’humain c’est un délire, c’est une anomalie. Pour être provocateur tu peux dire que les humains font partie de la nature et que ce qu’il font c’est naturel, mais bon ça fait mal de se dire ça."

Franck : "Dans sa conférence Aurélien Barrau disait que l’être humain est le seul être vivant qui dégrade son environnement. Tous les autres ça ne leur viendrait pas à l’idée de polluer l’endroit où ils mangent ou l’eau qu'ils boivent"

Une reconnexion au vivant à travers leur activité

Franck

a vécu toute son enfance à Cugnaux, en périphérie de Toulouse, donc en ville. Mais il passait la majorité de ses vacances chez ses grands-parents en campagne ce qui lui permettait d’avoir "des moments de contacts avec la nature."


"Quand j’étais petit, mes parents m’amenaient chercher les champignons, ils m’amenaient pécher, on faisait des randos. Ma grand-mère avait un potager donc à chaque fois on ramassait les patates, on faisait pas mal de trucs au jardin. J’ai fait des voyages aussi dans la nature donc, même si je vivais à Cugnaux, j’ai eu des moments de contact avec la nature."


C’est tout ces "sentiments de kiffe dans la nature" qu’il ne retrouvait plus à Paris.

Thomas

a toujours été citadin, dans un milieu urbain donc où "tout est trafiqué par l’Homme."

Il vivait avec "assez peu de contact avec le vivant, si ce n’est humain."


Thomas : "Mon rapport au vivant, quand j’étais petit, c’était aller ramasser des champignons et des escargots avec mon grand-père, on allait à la montagne. C’est des moments de profond plaisir où tu n’as besoin de rien en faite. […] D’ailleurs ces moments sont assez difficiles à décrire mais, ouais, c’est des émotions simples en faite, il n'y a rien de très compliqué. C’est juste « ah je me sens trop bien quoi ». […] J’ai eu envie de vraiment retrouver ça au quotidien en partant à la campagne et d’en faire mon métier."

Tout deux ont eu des moments de contact avec la nature dont ils se sont écartés et qu’ils ont voulu retrouver que ça soit suite à un profond mal-être dans leurs activités, à une prise de conscience de l’impact de leur mode de vie en tant qu’occidentaux ou à un manque de ce sentiment de bien être et de bonheur qu’ils ressentaient en pleine nature.

Un besoin pour eux "instinctif" qu’ils retrouvent pleinement dans leur activité.

 

Un émerveillement d'enfant

Je discutais avec Thomas et il me disait que, quand il est au jardin, il a l’impression de redevenir un enfant qui redécouvre ce côté mystérieux du vivant. Pour lui, "réfléchir à comment aménager ton potager, c’est comme quand tu réfléchissais à construire une cabane."

Dès le début, lors de mes échanges avec Franck et Thomas, j’ai sentie leur passion pour le maraîchage.

Thomas : "Je me suis lancé là-dedans, non par rapport à ce que ça pouvait m’apporter comme taffe, mais par curiosité pur et dur. A lire les gens qui avaient déjà pensé le sol, qui avaient déjà essayé de le comprendre, j’ai trouvé cet univers incroyable. Depuis, je n’ai jamais cessé de réfléchir à : comment on peut cultiver un sol, comment on peut comprendre le fonctionnement d’un sol. J’aime beaucoup ce côté illimité et incompréhensible. Ça j’y pense tout le temps, ça me fascine. De voir qu’il n’y a presque pas de limite dans cette compréhension, ou que l’on arrivera sans doute pas à comprendre comment ça fonctionne et de pouvoir travailler dans ce sens-là, ça me plaît beaucoup. D’essayer d’apporter ce que l’on peut, sans vraiment au final aller au bout des choses… ce n’est pas que je n’aime pas aller au bout des choses, mais je kiffe avoir un sujet illimité. Un truc qui va me tenir en haleine toute ma vie. C’est très stimulant, très très stimulant. Et y a pas beaucoup de sujet comme ça."


Passion que Thomas adore partager avec sa fille de 3 ans, Antonia.

Thomas : "Quand j’amène Antonia au jardin, je lui montre plein de choses : on soulève, on découpe un épinard puis il y a plein de truc qui partent. Ça j’aime bien le transmettre et c’est encore plus illimité. Tu te dis, waouh ce que j’essaie moi d’apprendre et ce dont je perçois, là je suis avec ma petite fille, on regarde le sol et ça la fascine. Maintenant elle me demande toujours d’aller les voir les animaux. Quand elle me dit ça, c’est aller voir les animaux du sol. Elle me disait : J’ai envie de voir un vers de terre. Et ça, c’est le kiffe total, tu te dis : là je suis arrivée à faire un truc."


Ils ont une réel contemplation envers les végétaux.

Thomas : "C’est dingue de se dire que la vie sur cette terre est due à des êtres qui ont su capter l’énergie qui vient du soleil qui est super loin. [Les végétaux] sont les maîtres du monde clairement. Ce n’est pas les maîtres du monde mais c’est la forme de vie dont découle tout ce qu’on est en train de vivre. C’est juste incroyable."

Franck : "Moi ce qui me fait halluciner c’est que, un arbre, tu lui coupes la tête il ne meurt pas, il a une résistance incroyable. On pense que l’on est peut-être la forme ultime, que l'on est issu de milliers d’année de millions d’années d’évolution, mais on est des fragiles."

En constant apprentissage avec le vivant qui les entoure

De ce que j’ai pu observer de Thomas et Franck et à travers nos discussions, c’est qu’ils ont grandi et qu’ils continuent à grandir avec leur jardin. Ils ne cessent d’être dans l’apprentissage et sont ouverts à tout ce que peut leur apprendre le vivant.

A leur installation, ils sont arrivés avec des connaissances théoriques et leurs croyances. Ils se sont vite aperçus que la théorie peut donner une bonne base, mais que la majorité de ce qu’ils apprennent se fait en étant attentif à l’écosystème dans lequel ils vivent.

Thomas : "Tu peux avoir un côté très théorique : comprendre le fonctionnement global du sol, la rencontre du minéral et de l’organique, mais je pense que le sol c’est un apprentissage très pratique."

Franck : "On s’intéresse vachement à ce que font d’autres fermes et leurs pratiques. Mais en faite, ce qu’ils font chez eux ça ne va pas marcher chez nous. Donc c’est à toi d’adapter aussi tes méthodes.

Par exemple, il y en a qui jurent que par l’introduction de matière organique dans le sol et d’autres qui disent que ça bloque les sols. En faite, il n’y a juste pas de règles générales. C’est juste que chez toi ça va réagir différemment. C’est ça qui est cool."


Thomas et Franck ont remarqué que, ce qui semble bien pour l’être humain, n’est pas forcément bon pour les autres êtres vivant.e.s. Ils sont donc assez attentifs aux réactions du sol et cherchent à trouver un équilibre dans leur relation avec la ferme du Higas, entre ce qu'ils ressentent et ce qui est bon pour la terre.

Franck : "Ce n’est pas parce que tu ne passes pas ta main que les racines minuscules ne vont pas passer."

Thomas : "Au contraire c’est presque là où ça se joue quoi. Avec les champignons, les bactéries… C’est là où tu arrives à pleinement, je pense, profiter d’un sol."

Franck : "Ouais c’est complexe. Il faut qu'il y ait de l’eau mais pas trop, qu’il y ait de l’air mais pas trop. Tout est une question d’équilibre. Donc comment tu crées cet équilibre. Tu essaies de faire des trucs, mais comment déterminer si c’est ce que tu as fait juste avant qui détermine le sol que tu as aujourd’hui. Si tu as ajouté plusieurs choses, laquelle a influé ton sol.

Pour savoir ça, il faudrait vraiment faire des expériences scientifiques où, sur une même parcelle, tu mets un truc et sur l’autre on ne met rien. Puis on fait des analyses pendant 5 ans pour voir comment ça évolue. Mais tu n’as pas le temps de faire ça. Donc tu navigues un peu par rapport aux sensations que tu as eu, ce que tu vois en quelques mois. Finalement on arrive quand même à avoir des résultats et à se dire : « waouh là le sol il est ouf » ou « mmm y a les deux horizons de terre à cette endroit, on a pas fait ce qu’il fallait. » "

Thomas : "Ou ça veut dire que l’on manque de temps. Parce que avec le temps, tu comprends aussi que c’est les racines qui fabrique le sol. Donc, enchaîner les cultures, qu’elles aient vocation à donner des légumes ou à produire des plantes, comme des couverts, c’est vraiment ces plantes-là qui participent à la création du sol."

Franck : "Même tes légumes. Par exemple, le Bec Helouin dit souvent que la betterave, avec ses racines, va jusqu’à 3 mètres de profondeur. Donc, quand tu arraches ta betterave, il en reste énormément, et même si c’est des tout petits bouts de racine, c’est un peu d’air, c’est un peu de bouffe qui va se faire manger par la vie du sol tout ça. 

Plus tu densifies ton endroit, plus tu coupes à ras, plus tu as de choses qui restent dans ton sol. Des choses qui vont se faire manger, du coup ça créait de l’air, donc l’eau peut s’y mettre et c’est comme ça que tu créais cet équilibre. Mais cet horizon temps est effectivement important. Le truc c'est que, à la fois on veut se donner le temps d’arriver à un bon sol, et à la fois on a pas le temps d’attendre 30 ans que le sol devienne génial.

La question c'est : comment arriver, pas à sauter les étapes car il ne faut pas les sauter, mais à avoir un bon sol relativement rapidement, sans faire de conneries, sans tout défoncer.

Donc tu vois l’équilibre est à trouver sur ce timing-là, sur les quantités à apporter au sol, sur le type de pratique, est-ce que tu déranges ou non le sol, à quel moment tu le fais dans l’année. C'est des questionnements que je me pose tout le temps. Parce que, la même pratique d’un mois à l’autre, tu peux soit défoncer ton sol, soit apporter énormément. On te dit : en avril fait ça mais en faite en avril, s'il a plu ou s'il n'a pas plu ce n’est pas pareil. En faite il y a beaucoup de sensations."

Thomas : "Tu enchaines les saisons, tu vois telle plante qui arrive, tu touches ton sol, tu plantes tel légume ça pousse pas. Tu vois tout doucement, tu te fais une compréhension de ton sol."


On voit donc que le fait de développer leurs sens au contact du vivant et de se remettre dans le cycle du vivant, leur permet d’être à l’écoute de l’écosystème dans lequel ils se trouvent et d’avoir de jolis retours.


Mais tout ça se fait en prenant le temps : le temps des cycles du vivant.

Une reconnexion à leurs sens et aux rythmes du vivant

A travers leurs activités au jardin, Thomas et Franck se sont reconnectés à leur sens.

Quand on demandait, avec Léa : "mais comment tu sais que ton sol est bien ou pas, qu’il a besoin de quelque chose en particulier", la réponse était : "c’est comme, ça tu le sens."

Thomas : "Je trouve que c’est important d’aller désherber, semer, toucher, récolter à la main. Toutes ces actions n’ont peut-être pas de valeurs économiques, mais elles ont une vraie valeur dans la connaissance de ce que tu fais. Ce qui fait que tout devient intuitif et tout devient du ressenti

Et ça, ça vient en pratiquant comme un ébéniste par exemple. A force de pratiquer, il va acquérir des gestes et toi quand tu le vois c’est simple. Mais dès que toi tu prends l’outil et tu le fais à sa place, t’es complètement perdu, tu vois ce truc. Ça c’est quelque chose de très fort. J’aime bien ce côté paysan, ce côté où tu fais les choses parce que tu les ressens comme ça. Les sens, les odeurs etc. Je trouve ça chouette de pouvoir replonger là-dedans."


Franck : "Tu as le sol qui réagit : il peut lever la dormance de la plante, ce qui peut t’indiquer quelque chose ; on a eu des endroits où il y a eu une odeur d’algue, c’est qu’il y a trop d’eau qui s’accumule à cet endroit-là. Donc, en faite, tes sens te disent beaucoup de choses : tu as la structure du sol, tu as son odeur, sa couleur, tu as ce qui pousse. Tu vois, tu as tout ces trucs, qui touchent tes sens. Je pense qu’à force d’être au milieu du sol, de mettre tes mains dedans, de regarder, de sentir, de toucher, suivant les saisons etc., petit à petit tu aiguises tes sens."


En plus de ce reconnecter à leurs sens, ils se sont ré-adaptés au rythme du vivant et donc à leur propre rythme. Cette notion de temporalité est beaucoup ressortie durant mon séjour à la ferme.

Ils se sont, par exemple, ré-adaptés au rythme des saisons. Ils m’expliquaient que, durant l’été, en fonction des chaleurs, ils découpaient leurs journées autrement : travailler tôt le matin et tard le soir. L’hiver, ils privilégient les activités en intérieur comme l’administratif. Ils acceptent le temps qu'il fait et donc de ne pas faire ce qu'ils veulent quand ils le souhaitent, et s'adaptent.


Un aspect que j'ai bien ressenti. On me disait toujours de faire les choses en fonction de moi, de ce que je ressentais, que l’on n'est pas pressé et qu’il vaut mieux prendre le temps et de bien faire une parcelle plutôt que plein de choses et de se rendre malade.


Franck : "Les plaisirs que t’as qui découlent de ça [de prendre le temps] sont décuplés. Le plaisir que tu as à avoir un bon sol au bout de 4 ans. C’est 4 ans de travail, de recherches, d’essais, mais à la fin tu es ultra content. Les fruitiers qu’on a greffé, des cerisiers qu’on avait fait sur merisier, on a les premières cerises qui arrivent cette année-là.

On va les goûter et ça va être un autre kiffe que d’aller acheter des cerises à Monoprix. Parce que tu sais d’où ça vient, comment c’est fait. Et tout ça, ça a un côté temps long, un côté mystère, qui est vachement prenant."


Tout ces aspects font qu’ils développent petits à petit une relation personnelle avec l’écosystème dont ils font partis, et ils espèrent tendre à plus de proximité avec lui.

Franck : "J’ai une image du sol en tête, un imaginaire un peu de ce sol où il y a tout qui pousse, où je suis content d’avoir planté des trucs dedans, content de récolter, content de mettre mes mains dedans. Tu vois, avoir une relation un peu comme ça, un peu étroite avec ce qu’il peut te donner etc. [...] C’est ce relationnel de comment toi tu fais évoluer le sol et comment lui peut te faire vivre aussi. Cette relation d’échanges étroits. Si lui il se sent bien, toi ça va t’apporter et tu vas bien te sentir aussi. Et on le voit, le sol peut être l’horreur, pour planter et pour récolter. Des fois on s’est dit plus jamais, on ne veut plus faire ça. Tu peux avoir un phénomène de rejet mais en faite c’est toi qui a fait ça quelque part.

Ou ça peut être un bonheur. Tu n’as qu’une envie c’est de mettre tes mains dedans, sortir tes carottes, remettre un truc. Il y a un côté un peu fusionnel. Il peut même influer sur ton humeur du moment. Je pense que là il y a des trucs chimiques qui se passent."


En questionnement dans leur intégration aux vivant.e.s

Le projet de la ferme du Higas vient en partie d’un questionnement sur leur rapport au vivant.

Thomas : "C’était pas tant la sur-consommation qui me dérangeait le plus, c’était mon rapport au vivant que je n’avais plus en industrie. Quand tu retrouves ce rapport, le fait que tu n’aies plus envie de sur-consommer découle naturellement. Tu as juste besoin de ton petit milieu naturel ou de cette vie de paysan. C’est ça qui est trop intéressant, c’est que tu n’as pas besoin d’aller acheter des trucs à droite à gauche pour vivre quoi."


Et ce sont des questionnements qu’ils continuent à avoir, que ça soit dans leurs activités ou leurs vies personnelles.

Franck : "Je regardais un reportage sur la faux et, le mec qui parlait, disait : comment tu t’inscris dans ton environnement avec un outil simple et qui ne fait pas de bruit ? Donc tu coupes l’herbe, tu coupes des êtres vivants, mais comment tu t’inscris dans ce paysage ? Comment tu t’inscris dans cet univers vivant, en ayant le moins d’externalités négatifs possibles, le moins d’impacts, tout en étant d’accord avec ça ? Tu vois quand tu désherbes, tu tues un être vivant. Mais il faut que tu plantes des trucs pour vivre, donc c’est cet arbitrage que tu fais."


Notamment Franck avec l’aspect survivaliste vers lequel il s’est tourné lorsqu’il a ressentie sont mal-être et son besoin de reconnexion aux vivant.e.s.

Franck : "Je lisais énormément de bouquins de Mike Horn à une époque, un aventurier qui est parti dans une forêt amazonienne et qui se retransformait en animal petit à petit. Il chassait, il péchait, il était chassé, il faisait du feu, il dormait à 4m de haut parce que des léopards pouvaient l’attaquer etc. Je trouve ça fascinant, cette reconnexion à l’environnement dans lequel on appartient et en faite on s’est totalement sorti de ça. J’avais une volonté de me remettre là-dedans.

Même si en tant qu’être humais, qu’animal humain comme t’as dit (Thomas), on est dans une maison on ne vit pas dans la forêt. Mais j’aimerai bien, petit à petit, me mettre de plus en plus là-dedans. Parce que tu as le respect de cette vie là et tu as comment tu évolues à l’intérieur. Nous on veut favoriser le plus d’êtres vivants possible : faire des mares, avoir des bosquets, des arbres, des arbustes etc."


Malgré le fait qu’ils essaient de faire au mieux dans leur activité, ils ont conscience que dans leur mode de vie, ils ont encore un certain impact.

Franck : "Même si nous on a un mode de vie qui diffère des citadins, que l’on s’est un peu inscrit dans notre paysage et que l’on a un retour à la terre, on a encore des pratiques mortifères."

Thomas : "Oui on est des occidentaux."

Franck : "Pour le vivant et pour la planète, on a fait un choix et on va à fond là-dedans. Mais où est-ce que tu arrives à placer la barre qui, toi, te convient ? Pour ce que tu crois et pour ce que tu vis. On est pas à vivre dans la forêt avec deux silex pour avoir zéro impact. On a un impact : on va livrer les paniers d’AMAP à Toulouse, on consomme du café et il ne vient pas du village d’à côté.

Il y a ce truc-là de, où toi tu places la barre pour que tu te sentes bien ou moins mal.

Je trouve d’un point de vu personnel que l’action aide beaucoup. Même si on entend beaucoup de chose, on écoute beaucoup des Aurélien Barrau, tous les rapports qui te disent que ça va mal que ça va aller mal de plus en plus mal etc.

Il y a un peu ce côté de création de petits paradis, que ce soit pour nous en tant qu’être vivant, que ça soit pour montrer aux autres que c’est possible et que ça essaime un peu. Donc il y a tout ce truc qui fait beaucoup de bien au quotidien, nous on s’éclate ici. Dans nos recherches tout ça, on est passionné."

Et leur rapport aux "animaux d'élevage"

Ils ont beaucoup décrits leur relation avec le sol, le jardin, et donc les plantes cultivées mais aussi avec les plantes et animaux que l’on qualifie de sauvage, les insectes etc. Et comme ils disaient qu'ils voulaient potentiellement reprendre des animaux sur la ferme, je les ai questionné sur la façon dont ils voyaient leurs relations avec les autres animaux domestiques.


Thomas : "Pour l’instant c’est assez complexe parce qu'on s’en est séparé [lorsque le troisième co-créateur était là, c'est lui qui s'occupaient des autres animaux qu'humain.e.s]. 

Je pense qu’à un moment donné on s’est dit : il va falloir plutôt installer le végétal, faire en sorte que, si on a des animaux, on puisse se rapprocher au maximum d’un mode de vie sain pour eux, à savoir bouger souvent. Du coup, il faut se rapprocher de ça avant d’en reprendre. Parce que l’animal peut et a une influence positive sur un lieu, mais que si ce lieu est prêt pour les accueillir.

Tous les animaux qui sont à l’état naturel sont plus ou moins nomades. Il y a assez peu d’animaux sédentaires. Or, nous, on va leur proposer un cadre. Si on laisse des poules à un endroit, on sait que le lieu va être dégradé, alors que si on a des installations pour bouger les poules ou les brebis, ça va reproduire des conditions favorables à leur développement et, du coup, au développement du lieu, et là on sera je pense hyper heureux d’avoir des animaux."


Franck : "C’est un parfait exemple du cercle vertueux ou du cercle vicieux. C’est à dire que si tu fais rentrer des animaux dans ton lieu, tu peux avoir un cercle vertueux avec les conditions pour les accueillir : tu les fais bouger souvent, ça sert à ton sol car les poules fertilisent ton sol, le fait de les faire bouger souvent, tu as tout le temps de l’herbe fraîche, il n’y a plus de fientes dans les nouvelles parcelles, il y a toujours des insectes qui sont là alors qu’il y en avait plus dans l'espace précédent. Donc si tu rends ces poules bien dans leur environnement, elles vont le rendre à l’environnement et elles vont te le rendre toi, en faisant des œufs qui sont d’une qualité incomparable avec ce que tu trouves n’importe où.

Donc, si tu arrives à le faire rentrer dans le cercle vertueux, ça sera vertueux pour l’animal pour le végétal et pour toi.

Au contraire, tu peux entrer dans un cercle vicieux. Tu vois le végétal, si tu t’en occupes pas bien, il ne va pas pousser ou mal, mais cette dégradation du lieu tu ne l’auras pas énormément.

Alors que avec l’animal, si tu le laisses dans un endroit et que tu ne le bouges pas, il va dégrader ce lieu, l’herbe ne va plus pousser. Donc sur le lieu, tu dégrades le végétal, tu dégrades ton sol, tu dégrades aussi l’animal, ta poule ne sera pas heureuse, elle sera malade et, en plus, elle te fera des œufs mais beaucoup moins et qui seront pas bon pour ta santé. C’est ce qui se passe avec l’industrie des poules pondeuses.

Il est nécessaire, pour que tu aies ce cercle vertueux, que tu aies, comme il a dit, l’endroit qui est prêt à les accueillir au niveau logistique pur et au niveau temps à accorder."


Thomas : "Quand tu regardes le milieu naturel, les animaux tu ne les vois pas. Ça représente quoi 1 % du paysage ? Il faudrait que dans une ferme ça soit presque pareil. Il faudrait qu’il y ait une jungle et tu mets 3 poules et 2 brebis qui crapahutent dans cette jungle."


Franck : "C’est ce qu’on faisait d’ailleurs au départ. Elles étaient dans un parc et ça nous est arrivé de se demander où elles étaient car les herbes étaient très hautes.

Mais c’est complexe. C’est un certain rapport avec le vivant, l’animal et le végétal c’est quand même pas la même chose. Tu as oublié d’arroser tes semis de carottes, bon beh les petits trucs ils meurent, bon ok. Tu as oublié de mettre l’eau à tes brebis et elles meurent de soif bon..."


Thomas : "C’est pas pareil."


Franck : "C’est pas pareil. Il y a quand même ce rapport de petite hiérarchie entre ces trucs-là et ça te prend aux tripes. Quand tu passes à côté des brebis ou des poules et que tu vois qu’il n’y a plus grand-chose à bouffer, tu as une boule au ventre. Tu te dis, on va les bouger, mais on a aussi la livraison à faire, tous ces trucs-là. On les a jamais laissé plusieurs mois au même endroit, mais c’est devenue une contrainte plus qu’autre chose. A chaque fois on se disait « merde il faut les bouger », tu vois c’était « il faut ». Quand tu rentres dans ce truc-là, tu n’es plus dans cet élan positif, ça devient une corvée. A partir du moment où tu n’as plus envie de le faire et qu’il y a des moments où tu ne fais plus, ça veut dire que tu ne peux plus t’en occuper.

Mais après il y a énormément de fermes tu vas chez eux, tu as les poules dans un parc tu n’as plus un brin d’herbe et ils jettent le grain et c’est comme ça. Je suis allé dans plein de fermes où c’était comme ça. Mais franchement on le voit ça fait mal. Ça sent l’azote un peu la fiente tout ces trucs, tu as quand même tes sens qui te mettent en alerte." 


Thomas : "Si tu sens des animaux c'est qu'il y a un problème..."


Focus sol

Léa, étudiante en anthropologie, réalise un mémoire sur la relation qu’on les maraîcher.e.s, labélisé.e.s Nature et Progrès*, avec leur sol.

Voici donc quelques réponses de Franck et Thomas, focus sur leur fascination du sol.


Franck : "Les maraîchers parisiens dans leurs bouquins, disaient que, quand ils ont dû bouger du centre de Paris et s’éloigner, ils avaient emporter leur sol. Sur les 20, 30 premiers centimètres, ils avaient emporté leur sol avec eux. Alors est-ce que ça marche ou pas ? J’en sais rien. Mais ils avaient tellement conscience de l’importance du sol, de se dire : ça fait des générations qu’on améliore le sol, on a un sol de ouf où tout pousse, où tout est nickel, et recommencer à zéro, bon qu’est-ce qu’on fait ? On l'emporte ? C’est le truc le plus important à la limite. Les outils, on se les refera mais le sol on le prend."


Franck : "Le problème c’est comment arriver à faire comprendre aux gens que le sol est si important alors que on le voit pas. Tu vois le truc, c’est qu'on marche dessus, il y a des trucs qui poussent, mais les gens ne savent pas comment ça pousse, comment ça marche etc. Avec l’agro-industrie, on s’est passé du sol, on l’a pris comme support et pas comme organe vivant. Donc comment faire prendre conscience aux gens que c’est si important que ça ? J’ai peur qu’il ne le comprennent qu’au moment où ça va être chaud, au moment où il n’y a plus rien qui poussent. "Ah beh merde pourquoi il n’y a plus rien qui pousse, ah beh merde on a des pénuries. Ah c'est parce qu’en faite le sol il est mort, et pourquoi il est mort." A ce moment-à, on repartira en arrière pour leur expliquer. Mais c’est vrai que les gens, de manière générale, et ce n’est pas péjoratif mais, comme tu n’es pas connecté au vivant déjà, au vivant que tu vois, pour les connecter à quelque chose qu'ils ne voient pas, sans qu’ils soient tous les jours dedans, c’est compliqué."


Franck : "On est en train de changer de vocabulaire sur l’analyse de sol. Quand on voulait faire une analyse de sol pour voir où on en était etc. ils appellent ça maintenant analyse de terre.  Ça fait deux formations que je fais, ce n’est qu'en arboriculture donc je ne sais pas si c’est le cas partout, mais ils parlent d'analyse de terre. En changeant de vocabulaire, tu ne prétends pas analyser ton sol, parce que le sol c’est quand même beaucoup plus complexe que ça."


Thomas : "Mon dessin est moins précis je pense, mais c’est vraiment cette idée que c’est un milieu unique, qui est le mélange de plein de milieux. T’as le soleil, t’as l’atmosphère, dans lequel tu as également le végétal. Tu as le vivant plutôt je dirais, donc tout ce qui est animal, végétal, puis t’as le sol. Puis tu descends un petit peu et tu vas vers le minéral. Donc, ce qui m’a fasciné un peu avec le sol, c’est que c'est une rencontre entre plein de milieux. Et dans cette rencontre, il se passe quelque chose d’incroyable avec la microbiologie, les bactéries, les champignons tout ce qu’on se dit depuis hier, la microfaune, microflore, macroflore, macrofaune. Et c’est dans ce petit milieu-là que tout prend naissance. Ça c’est assez fascinant. Et donc c’est ce que j’ai voulu illustrer ici. Le soleil est un peu discret mais, au final, c’est la ressource première. Ce qui est quand même incroyable, c’est que ce milieu-là [milieu terrestre] a réussi à capter l’énergie transmise par ce milieu-là [atmosphère], qui est très loin et a réussi à le mettre dans le sol. Et de tout ça, découle tous les cycles. Tout découle de ça en faite, sinon la Terre est juste un petit caillou, c’est que le morceau de roche."



Leurs visions de la société concernant son rapport aux vivant.e.s

Une société occidentale sur-consommatrice et un avis mitigé sur la prise de conscience

Pour Thomas et Franck la société occidentale est sur-consommatrice et complètement déconnectée de la réalité. Elle se nourrit toujours plus des écosystèmes, sans faire attention au vivant qu’il y a autour d’elle. En plus de ça, c’est le modèle de société qui s’impose dans le monde et qui créait des gens aux sens endormis.


Thomas : "Ce qui est chiant c’est que, maintenant, les occidentaux c’est tout le monde. C’est le monde qui est comme ça, c’est terrible. Il y a juste une minorité de peuples, peut-être, qui ont encore un rapport à la nature qui s’éloigne de ce que les occidentaux peuvent avoir. Mais je ne sais pas combien ils sont sur terre, ils ne doivent pas être nombreux."


Quant à l’aspect individuel, ils ne savent pas s'il y a vraiment beaucoup de personnes qui ont conscience des problématiques actuelles


Franck : "À force d’être avec des gens qui pensent un peu comme nous, à force de regarder des vidéos sur le sujet, on avait l’impression qu’il y avait une prise de conscience générale.

Puis je suis allé me faire soigner par mon père, à son cabinet, et là c’était l’halu totale.

Je discutais avec des personnes en salle d’attente, on n’est pas partie sur des discussions philosophiques sur le vivant, mais rien qu’en discutant tu peux voir que les gens en ont rien à foutre.

Donc j’ai pris un peu une claque. Pour moi ça allait un peu dans le bon sens, pas assez vite c’est certain, mais j’avais l’impression qu’il y avait une prise de conscience collective. Mais pas du tout."

Un futur entre optimisme et pessimisme

Il est assez difficile pour Thomas et Franck d'imaginer un futur, surtout au vu des incertitudes qui existent, comme on peut le voir à travers les 9 limites planétaires : nos activités ont des conséquences imprévisibles, dont on ne peut imaginer les conséquences.


Ils ont un avis assez partagé et pensent que rien ne changera à part si les gens sont touchés personnellement.


Franck : "Je suis optimiste quand je pense à ce que dit Charles Hervé-Gruyet, du Bec Hellouin, qui dit en gros : n’attendons pas que le monde s’effondre en se lamentant mais ayons la joie de créer un nouveau monde. 

Et du coup l’optimisme il est là : on s’est égaré, on est allé trop loin, dans un délire hyper chiant, et maintenant on a une opportunité de repartir vers quelque chose de plus sain et plus en accord avec ton environnement.

J'ai de l’optimisme aussi parce que nous on sait que, dans notre vie, on est bien, on est à fond et on est heureux.

Et après, je suis à la fois pessimiste parce que les gens sont tellement dans leurs quotidiens de : qu’est ce qu’on fait ce week-end, où est-ce qu’on part en vacances, il faut qu’on gagne de la tune pour ça, que personne ne s'en rend compte.

Je pense qu'il y aura des petits effondrements petit à petit où on va commencer à être dans l'inconfort de manière constante qui va augmenter d'année en année : bon cette année il n’y a pas de pêches, ce n’est pas grave parce qu’il y a les abricots. Ah mais cette année il n’y a pas de pêches pas d’abricots. Et je pense que ça va aller crescendo mais j'ai peur que ça soit exponentiel parce qu'il y a tout qui se resserre : le climat, la dégradation des sols, la pollution de l'eau, la destruction des êtres vivants, les ressources qui s'épuisent etc.

Donc je pense que la prise de conscience n’arrivera que quand il y aura des trucs comme ça pour inverser la tendance. Il va falloir ralentir et s’adapter, ce que pour l’instant on ne fait pas du tout. Ça va être chaud."


Thomas : "Il se peut qu’il y ait quelque chose qui se passe assez vite au niveau agricole. Peu de gens travaillent dans l’agriculture aujourd'hui et tu as beaucoup d’agriculteurs qui vont arrêter. Il y a toute une génération qui va s'arrêter et il n’y a pas de successeurs. Et on peut se dire que les industriels, de toute façon, sont en train de s'agrandir et qu'ils vont produire plus mais ca va devenir de plus en plus compliqué pour eux aussi. 

L’industrie a besoin de serres, de matériaux etc. qui  demandent beaucoup d’énergie fossile donc l’équation je ne la sens pas comme ça moi. En plus avec des sols tout péraves... l’agriculture industrielle c’est quelque chose qui ne marche pas comme ça, sans ressources, ni sol en bonne santé."


Franck : "Là on est parti dans une dérive où on ne sait pas ce qui va se passer. Voilà on ne sait pas. Donc ça va continuer à chauffer la planète, à avoir moins d’eau... On ne sait pas ce qui va se passer mais il va y avoir un truc. Donc autant faire un truc qui te fait kiffer."

Un idéal de société entre simplicité et complexité

Franck et Thomas aimeraient retourner vers des modes de vie qui retournent à l'essentiel, à travers des systèmes plus locaux et qui favorisent la création de lien.

Franck : "J’aimerais quelque chose qui soit beaucoup plus local, des sortes de villages ou des villes-villages qui se recréent. Alors c’est peut être un peu ancestral, mais où tu aurais un forgeron ou une forgeronne , la boulangerie etc.

Il y a un kiffe d'aller voir le voisin forgeron, tu lui dis : j’ai besoin de cet outil pour ce truc là. Est-ce que tu peux me le créer ? Ok reviens dans trois semaines parce que je ne vais pas te le créer en 1h, et 3 semaines après tu y vas tu le testes

A la limite que l’on se regroupe à trois villages là et on peut survivre pendant 300ans sans soucis.

Maintenant on se fait tout un monde pour des conneries et j’aimerai revenir à quelque chose de plus simple, plus local.

En faite j’aimerais bien qu’on en revienne à ça, tout en ayant cette relation étroite avec le vivant. C’est des trucs l’un avec l’autre, parce que tu aurais le côté, écologique, social…


Thomas : "Je suis 100 % d’accord avec Franck. Retrouver de la proximité entre les gens, dans un petit territoire… J’aimerai avoir un endroit où tu puisses manger et dormir sans trop de problème."


L’objectif serait de retrouver ces modes de vie plus simples en retrouvant la complexité du vivant.

Franck : "La vision par l’outil c’est vachement intéressant parce que c’est exactement comme les variétés de végétaux. Maintenant il y a un type d’outil industriel chez Gamm Vert fait par un industriel qui a une seule taille, une seule gueule, avec un acier nul fait en Chine. Alors qu’avant tu avais des surnoms de faux : la faux occitane, la faux du Rhône etc. Suivant les zones, tu avais des faux différentes, parce qu’ils avaient des besoins différents, parce qu’ils avaient une évolution différente, et je trouve ça trop bien !

 Tu avais une diversité dans les outils. L’outillage était adapté à ce que tu pratiquais en local. C’est pareil pour les variétés végétales. Tu avais les variétés du village qui étaient adaptées au climat. Et maintenant tu as une variété pour tout le monde, donc il faudrait revenir à cette complexité-là."



Conclusion

J’ai vraiment apprécié mon passage à la ferme du Higas.

Thomas et Franck ont envie de construire un coin de paradis dans lequel ils se sentent bien.

Et ça se sent quand on arrive sur le lieu. Dès le premier jour, je me suis dit "waouh ce jardin est vraiment beau, je m’y sens bien."

Être au jardin avec Thomas et Franck est un réel plaisir. Ils sont très pédagogues et prennent beaucoup de temps pour expliquer ce qu’ils font et pourquoi ils le font. Ça se voit qu’ils ne se forcent pas pour parler de leurs activités. On peut voir une étincelle dans leurs yeux lorsqu'on parle du sol. Ils rayonnent la passion et le plaisir pour leur métier.

Lors de ma formation éco-facilitation, Isabelle nous a donné une phrase : "La Nature est un reflet : ce qui se passe à l'intérieur de soi, se reflète à l'extérieur."

Et c’est ce qu'il se passe avec la ferme du Higas. Ils m’expliquaient que les débuts au jardin étaient compliqués au niveau personnel et ça se ressentait dans leurs activités au jardin. Quand ils ont trouvé leur équilibre, c’est devenu plus facile, et ça se ressent réellement aujourd'hui.

Si je devais choisir un mot qui m’a marqué pendant ce woofing c’est le mot sens :

  • Ils ont trouvé du sens dans leur métier, dans ce qu'ils pratiquent au quotidien et ça les rend heureux. Si seulement chaque personne pouvait trouver ce qui fait sens pour elle, ce qui la fait vibrer, je pense que l'ensemble du vivant se porterait mieux ;
  • Ils se sont reconnectés à leurs sens à travers leurs activités : la vu, l'ouïe, l'odorat, le goût, le toucher. C'est incroyable de ressentir toutes ces choses-là et de découvrir ce qu'elles peuvent nous faire ressentir en émotions, en vibrations. Lorsque j'ai utilisé des gants pour planter des plants de légumes (pour ne pas me faire piquer par les chardons), j'avais l'impression d'être "aveugle" des mains. Je trouve que se reconnecter à ses sens est quelque chose qui nous fait ressentir à quel point on est lié avec l'ensemble du vivant.


J’ai été très bien accueillie à la ferme. Je me suis de suite sentie à l’aise avec elleux, car malgré le fait qu’iels sont plusieurs dans la maison, avec leurs habitudes et leurs délires, iels étaient très à l’écoute et m’ont très bien intégrée.

Je remercie donc l’ensemble de la famille du Higas pour ce merveilleux woofing, ce sont de réels bijoux.


Eva FOURCADE - 28 juin 2023


Définitions

  • Faim d’azote : Épuisement temporaire du stock d’azote d’un sol après épandage d’une matière organique trop riche en carbone. - Source dictionnaire la langue française
  • Label Nature et Progrès : La mention Nature & Progrès est la marque associative de l’association. Elle garantit des produits alimentaires et cosmétiques respectueux de l’environnement, des animaux humain.e.s et des animaux autres qu’humain.e.s. Elle s’appuie sur ses propres cahiers des charges et l’engagement de ses adhérents au travers d’une charte. -  Source Nature et Progrès

Eco-hameau Canto Riu
Woofing n°2