En me déplaçant à vélo je prends le temps, le temps d'éveiller mes sens.
Je prends le temps de sentir. Sentir le vent contre moi, l'odeur des arbres et l'effort que je dois mettre pour monter du dénivelé.
Je prends le temps d'écouter. Ecouter la discussion des oiseaux, le vent qui caresse les feuilles et le clapotis du cours d'eau.
Je prends le temps de toucher. Toucher l'herbe sous mes pieds, l'eau du ruisseau qui me revigore et les orties qui me démangent.
Je prends le temps d'observer. Observer la chaîne des Pyrénées, les milans qui planent et les papillons qui volent à côté de moi quand je roule.
Je vais si lentement, qu'une coccinelle s'est posée sur mon épaule pour faire un bout de chemin avec moi.
Etant au ralenti, j'ai pris le temps de me questionner sur l'empreinte que laisse l'espèce humaine sur un territoire.
Car j'ai observé beaucoup d'espaces envahis par l'espèce dont je fais parti. On prend vraiment beaucoup de place. A coup de carrière, d'exploitation de bois et de parcelles agricoles complétement déchirées.
On colonise un espace immense, sans se soucier des autres peuples qui vivent sur ces territoires.
Au lieu de céder de la place, un bout de terrain qu'on s'est accaparé, mais qui, finalement, ne nous appartient même pas, on prend toujours plus de place et on tue quiconque ose déranger notre tranquillité.
Pourtant, au fond, je pense que l'on a conscience de ça. On a conscience de ce que l'on impose à l'ensemble du vivant.
Les autres espèces ont du mal à trouver leur place au milieu de tout ce béton, ces voitures et cette pollution. D'ailleurs, moi aussi, toute petite sur mon vélo, j'ai du mal à trouver ma place au milieu de tout ce brouahah.
En voyageant à vélo, j'ai le sentiment de me remettre à ma place, de retrouver un peu d'humilité face à la puissance du vivant. Je me sens toute petite face aux montagnes, à leur dénivelé et à la force du vent.
Je me suis vraiment sentie démunie et stressée à côté des voitures et des camions roulant à toute allure.
Face à tout ça, je me demande pourquoi on a tant besoin de s'imposer, et d'être en compétition pour savoir qui a l'empreinte la plus grosse ?
Pourquoi on a tant besoin de tout coloniser, de tout s'accaparer ? De la terre, aux océans et jusque dans l'espace ?
Et si on arrêtait de se sentir puissant.e, d'avoir l'impression de devoir avoir toujours plus, et de devoir être lae meilleur.e ?
Et si on arrêtait de tout vouloir contrôler ?
Et si on lâchait prise et que l'on acceptait le partage et la cohabitation ?
Il est temps de retrouver de l'humilité et de retrouver sa juste place dans la toile du vivant.
Arrêtons l'exploitation, l'accaparement. Redevenons un.e vivant.e parmi le vivant.
Et toi, quelle empreinte veux-tu laisser ?
Eva FOURCADE - 3 juillet 2023