J'ai rédigé cet article en m’appuyant sur mes observations (et donc mes biais, voir page d’accueil - j’écris à travers mes biais).
Les prénoms/genres utilisés dans l'article sont fictifs pour conserver l'anonymat des personnes rencontrées, sauf pour Delphine et Calixte qui sont dans une démarche similaire à la mienne. Vous pourrez retrouver des informations sur leur périple à travers leur blog.
Cet article est un peu différent des autres.
En effet, j'ai passé une semaine sur la ZAD et, en si peu de temps, il m'est impossible de comprendre la complexité des rapports qu'il y a au sein de la ZAD et surtout les différents rapports aux vivant.e.s qui peuvent exister.
Cela m'a quand même permis d'avoir un petit aperçu de ce qu'il s'y passe et de découvrir la vie de certain.e.s habitant.e.s.
J'ai donc décidé de vous donner quelques uns de mes questionnements, ainsi que de vous confier une partie de mon journal de bord sur la semaine que j'ai passé sur la ZAD de Notre Dame des Landes.
Bien sûr, ce que j'ai vécu n'est pas représentatif de ce qu'il se passe sur la ZAD et, ce que je raconte, je le raconte à travers mes biais et mon état du moment.
Bonne lecture !
La ZAD de Notre Dame des Landes
Qu'est-ce qu'une ZAD ?
Une Zone A Défendre (ZAD) est un espace occupé par des activistes pour défendre des zones de vie et empêcher des projets écocides de voir le jour.
Il existe différentes ZAD en France, ainsi que différentes luttes contre des projets écocides que vous pouvez retrouver sur la carte créée par Reporterre : Carte des luttes contre les grands projets inutiles.
Ecocide : Grave atteinte portée à l’environnement, entraînant des dommages majeurs à un ou plusieurs écosystèmes, et pouvant aboutir à leur destruction. (Définition dictionnaire Larousse)
Pourquoi une ZAD est née à Notre Dame des Landes (NDDL) ?
En 1972, on apprend la création d'un projet d'aéroport au-dessus de Nantes.
Il s'agit du projet d'aéroport du Grand-Ouest, ou de Nantes - Notre Dame des Landes, qui devait assurer la desserte des régions Bretagne et Pays de la Loire, en prévision de la potentiel saturation de l'aéroport international de Nantes - Atlantique. Les activités commerciales de cet aéroport devait être transférées sur l'aéroport de Notre Dame des Landes.
L'aéroport de Notre Dame des Landes devait avoir une superficie de 1 350 Ha et devait couvrir les communes de Notre Dame des Landes, Vigneux, Grandchamps, Héric, Le Temple.
Un projet qui devait donc détruire des lieux de vie d'animaux humain.e.s et autres qu'humain.e.s, des terres qui nourrissent, des milieux qui permettent tout simplement la vie.
Tout ça pour un aéroport de plus qui participerait à l'accélération du dérèglement climatique, à l'effondrement du vivant, et qui n'est qu'une aberration sociale supplémentaire.
C'est donc à partir des années 70 que la lutte à Notre Dame des Landes a commencée. Après plusieurs années d'opposition, c'est en 2009 que le collectif "d'habitant.e.s qui résistent" lance un appel pour venir occuper la zone afin de protéger ce territoire, une zone humide qui est à l'origine de plusieurs rivières. C'est la naissance de la ZAD.
C'est en 2018, après une vague d'expulsions violente, que le projet d'aéroport est abandonné.
Pour plus de détails sur ce qu'il s'est passé durant ces années de lutte, je vous invite à consulter la chronologie de la lutte sur le site internet de la ZAD.
Aujourd'hui, certain.e.s résident.e.s de la ZAD sont en négociations avec le gouvernement pour effectuer une régularisation à travers des baux ruraux. D'autres y sont toujours opposé.e.s.
Journal de bord
Bienvenu dans mon journal de bord. Un journal où j'y décris mes journées et comment je me suis sentie. J'écris en même temps que viennent mes pensées, il se peut donc que les informations se mélanges quelques fois.
Je vous livre ici, la semaine que j'ai vécu à la ZAD de Notre Dame des Landes.
Jour 1 - 31/07/2023
Après 681km de vélo, depuis mon dernier woofing vers Bordeaux, à longer la côte Atlantique, je suis bien arrivée à la ZAD de Notre Dame des Landes.
Au début j’avais peur de ne pas être au bon endroit, mais quand j’ai vu écrit sur la route « ZAD partout » ça m’a rassurée.
Sur la fin de mon trajet, il y avait du vent beaucoup de vent, un peu de pluie. J’avais hâte d’arriver.
Je ne savais pas comment j’imaginais la ZAD, mais pas comme ça. Et pourtant j’avais déjà vu la carte de la ZAD mais je crois que j’imaginais les différents lieux de vie plus proches que ça.
C’est Ali qui m’a fait visiter les Fosses Noires, qui fait partie des lieux qui accueillent des gens de l’extérieur. Pour être accueillie, je les ai contacté par mail plusieurs semaines avant mon arrivée.
Il y a un bâtiment principal.
Une partie est pour les habitant.e.s des Fosses Noires, et une partie est le lieu d’accueil pour les personnes comme moi avec :
- Une salle à manger/cuisine ;
- Un info kiosque ;
- Une mezzanine où l’on retrouve des livres et des jeux de société ;
- Un atelier
bricolage (il faut demander aux habitant.e.s pour l’utiliser) ;
- Le sleeping, c’est le dortoir qui se trouve à l’étage. Une partie est en mixité choisie (sans mec cis hétéro) et l’autre mixte.
À l’extérieur on retrouve une caravane qui a été aménagée en douche.
Il y a un n° d’urgence que l’on peut contacter 24h sur 24h en cas de problèmes.
Le mois d’août c’est le mois creux en général, où les gens partent en vacances.
Donc iels n’ont pas grand-chose à me proposer pour l’instant.
Ali me conseil de me balader sur la ZAD et d'aller à la rencontre des gens pour savoir si il y a des besoins particuliers.
Iel me dit qu’il y a peut être des besoins à Bellevue et que tous les mercredis c’est la journée de récolte au potager collectif de 9h à 18h. Si on est présent.e le matin on est compté pour le repas du midi et si on fait au moins 2h dans la journée au jardin, on peut être à la répartition des récoltes le soir. C’est à la Rouge et Noire, je crois.
Quand j’ai demandé à Ali si mon séjour ici fonctionnait comme le woofing elle m’a dit « pas vraiment car tu n’as aucune obligation. Si tu veux juste exister tu as le droit ». Iel m’a aussi dit que en cas de besoin je peux venir toquer du côté des habitant.e.s, mais je ne sais pas si je vais trop oser.
Ici on peut participer financièrement de façon libre et consciente à la consommation d’électricité et d’eau, et il y a le même fonctionnement à l'info kiosque si on veut acheter des brochures/livres.
Ali me laisse et, j’ai de la chance, je suis arrivée le jour de la vente du pain, réalisé aux Fosses Noires. Je m’achète une baguette qui est encore chaude, puis je discute de voyage à vélo avec une personne qui est venue acheter son pain et qui est extérieur à la ZAD.
Puis je me retrouve seule pour la soirée.
Ça me fait bizarre. Surtout qu’en ce moment j’en ai marre d’être seule.
Finalement, ça m’a permis d’appeler ma famille donc c’est cool, j’ai fait mon repas et je suis allée dormir.
Jour 2 - 01/08/2023
Ce matin je décide d’aller à Bellevue pour voir si il y a besoin d’aide. Je tombe sur deux personnes qui s’occupent des vaches.
Iels me disent qu’il y aura besoin d’aide et je laisse mon numéro sur un cahier pour qu’iels puissent me recontacter.
Je pose une question à une des deux personnes et iel me dit qu’iel ne peut pas me parler car il faut qu’iel soit concentré.e.
Du coup je me suis écartée, la façon dont iel me l’a dit ne m’a pas mise à l’aise.
Quand Charly, un.e des éleveur.euse.s, est venu me chercher, j’étais en train de discuter avec une personne qui était la pour la semaine, rendre visite à son cousin qui est sur la ZAD depuis ces débuts.
Arrivé.e à pied jusqu’à la ZAD, iel m’expliquait que grâce à ça, il a redécouvert le contact avec les gens et qu’iel trouve génial ce qui est fait ici.
Charly m’explique que je suis arrivée dans un moment compliqué car certaines vaches ont probablement des infections aux tétines. Iels faisaient des prélèvements.
On amène les 4 vaches et le taureau au près. On va donner le foin aux velles. Elles ont toutes un prénoms. Une va sûrement aller à la ZAD de Bure.
Si c’est un veau qui né, il n’est pas gardé.
Iel m’a fait visiter Bellevue, qui est aussi un lieu d’accueil. On y retrouve également une forge et la fromagerie.
Le fromage se vend à prix libre et conscient. Que l’on soit habitant.e ou non de la ZAD on peut venir en acheter.
Maintenant les personnes doivent mettre l’argent dans une boîte fermée à clef, car avant, il y avait une boîte ouverte mais des personnes qui venaient chercher du fromage prenaient également de l’argent dans la boîte.
Avant Bellevue était plus grande, mais le terrain a été coupé en deux à cause d’un conflit avec l’autre éleveur.euse qui voulait agrandir l’élevage. Il y a donc un mur qui les sépare, mais iels arrivent quand même à cohabiter.
Iel m'explique qu'il y a 4 boulangeries sur la ZAD dont Bellevue et les Fosses Noires.
Cela fait 3/4 mois que Charles est sur la ZAD. Iel me dit que, ce qui est bien ici, c’est que tu seras toujours accueilli et que tu ne vas pas mourir de faim ou de froid.
Iel se considère anti-spéciste et m’a donné sa vision : aujourd’hui, les animaux existent et on ne peut pas les éradiquer comme ça et on ne peut pas non plus les laisser vivre en liberté. On peut être avec elleux, les respecter et les remercier pour ce qu’iels nous donnent. Iel dit qu’il y a un autre pan des antispé qui refusent d’être avec d’autres animaux. Mais pour lui, ça serait se déconnecter de la nature.
Charly m’a également parlé de la violence qu'il y a eu à Sainte-Soline. Violence qu’iel a vécu en première ligne car iel faisait partie des secouristes.
Ce qui lae touche le plus c’est de voir et de ramasser toutes les personnes victimes d'injustices.
Iel racontait qu’il a ramassé un père de 50 ans, qui s’est pris un tir de LBD dans la tête. Le flic a tiré à 10m. Le gars ne faisait rien, il faisait juste parti du groupe qui était en train de faire la photo symbolique devant les méga-bassines avec les syndicats.
Après la visite, on va nettoyer l’endroit où il y a eu la traite et on rencontre Plume qui vient voir un.e ami.e sur la ZAD, et sûrement y rester un peu. Iel est venu à pied avec une chariote qu’iel s’est construit, et en compagnie de trois chien.ne.s.
Toustes les trois on devait couper des herbes pour éviter qu’elles soient sur les fils électriques des près des chevaux, mais finalement ça avait déjà été fait.
Avant de partir me
faire à manger, avec Plume on discute avec un.e autre habitant.e de
la ZAD qui fait partie d’une zone d’habitation non déclarée à
l’Etat. Bellevue et les
Fosses Noires sont quant à elles déclarées (les négociations avec l'Etat sont en cours).
Iel dit qu’entre les zones déclarées et non déclarées, ce n’est pas vraiment le grand amour. Les non-déclaré.e.s considèrent les déclaré.e.s comme des « vendu.e.s ». Mais malgré ça tout le monde cohabitent et s'il y a besoin de se retrouver pour des luttes, comme Sainte-Soline, iels se rallient.
Je suis allée manger vers 13h30 et j’ai fait la connaissance de deux autres personnes de la ZAD, dont un.e des Fosses noires, qui m’a proposé de venir voir un chantier qu'iels sont en train de réaliser à la Wardine (un autre collectif sur la ZAD).
J’ai proposé mon aide, mais comme iels n’ont rien prévu pour que le chantier soit ouvert à l'aide de personnes extérieures, iels ne préfèrent pas.
Iels sont en train de retaper l’ancien bâtiment qui servait de salle de réunion aux habitant.e.s de la Wardine.
Il s'agit maintenant d'une salle polyvalente, nommée la Piste H, où est organisés des évènements et surtout des concerts. Iels ont appelé le lieu la Piste H car c’est à cet endroit que devait passer la piste de l’aéroport et iels aiment bien faire des jeux de mot avec l’alimentaire.
Iels font des travaux à l’étage. Iels sont en train de créer des logements et une cuisine pour que les artistes qui viennent pour des concerts aient tout sur place.
Pour le bois iels se fournissent à Bellevue où des personnes s’occupent de la gestion de la forêt.
On discute un peu de la vie sur la ZAD et une des personnes me dit que le facteurs humains est assez impactant dans les projets et que, pour lui, iels se sont donné.e.s des idéaux et des utopies trop élevé.e.s avec la ZAD, ce qui amène à des tensions.
Ce soir, repas seule.
Un.e habitant.e des Fosses Noires a amené deux filles qui viennent que pour la nuit. Elles se baladent en stop pour rendre visite à leurs potes. Là elles arrivaient de Toulouse et elles retournent chez elles en Normandie.
Lecture du soir et dodo.
Jour 3 - 02/08/2023
Aujourd’hui c’est journée au jardin collectif.
J’y suis arrivée vers 8h40 et j’ai passé toute la matinée dans la serre pour récolter les tomates, s’occuper des pieds de tomates (certaines ont le mildiou) et faire du désherbage.
J’étais avec un des responsable du jardin.
Iels sont 7 personnes à s’occuper du jardin collectif.
Tous les mardis, iels se réunissent pour discuter de ce qu’il y a eu dans la semaine, de comment iels vont organiser la journée de demain et préparent les outils en fonction. C’est également à ce moment-là qu’iels se répartissent les rôles pour la journée du mercredi : qui s’occupe des personnes qui arrivent pour aider, qui s’occupe de la répartition des tâches, qui s’occupe du repas du midi etc.
On a travaillé à la main mais iel m’expliquait qu’iels faisaient aussi du travail mécanisé et que, pour lui, pour produire autant, iels étaient obligé.e.s de faire ça, sinon il faudrait que plus de personnes participent à la vie du jardin.
Le midi c’est repas partagé. Le repas est généralement vegan et fait avec les légumes récoltés. "C'est beaucoup moins cher de faire un repas vegan" me dit une des personnes quand je demande si le repas contient des produits d'origine animal. "Nous on le fait pour l'aspect financier, mais dans la finalité on se rejoint".
L’après-midi c’était différentes activités variées entre désherbage et repiquage de betteraves.
Et à la fin de la journée c’est distribution de la récolte aux personnes qui ont participé au travail au jardin.
C’est super satisfaisant, j’ai pu repartir avec plein de bons légumes.
Une personne m’expliquait que, tous les vendredis, il y a un marché sur la ZAD et que les légumes qui n’ont pas étaient distribués, y sont vendus.
Le groupe du jardin collectif propose à qui veut, s'il n’a pas plu durant la semaine, de participer à l’arrosage du jardin le vendredi et le lundi.
Ça a été une journée de rencontre avec plein de personnes d’horizons différents :
- J’ai pu discuter avec un groupe d’ami.e.s qui vient maintenant tous les ans depuis 4/5 ans et qui se sont fait des ami.e.s à la Noé verte ;
- Une personne qui est là depuis 5 ans et qui fait partie du collectif jardin ;
- Une personne qui ne vit pas dans la ZAD mais vraiment pas loin, depuis 2007, et qui vient régulièrement ;
- Une fille qui rentre du Chiapas (Etat du Mexique où il y a le mouvement des zapatistes) après 7 mois qui étaient dans des assos de lutte pour les droits des autochtones. Elle a fait l’aller-retour en voilier.
- J’ai parlé un peu plus avec un gars qui était là le jour de mon arrivée. Il a beaucoup bougé avec sa copine en van/camion et iels avaient envie de s’installer dans un collectif. Ça fait depuis juin qu’il est là et il se disait qu’il allait lui falloir 7 ans pour comprendre les liens dans la ZAD ;
- J’ai rencontré une fille qui est venue en stop jusqu’à la ZAD sur les conseils d’un ami. Elle était déjà venue à la ZAD mais quand elle avait 11 ans avec son père quand c’était en lutte !
- J’ai rencontré une autre personne qui est là depuis 3 ans. Il a décidé de venir ici car il ne savait pas trop ce qu’il voulait et sur la ZAD il y a plein de lieux différents donc ça lui permet de prendre le temps de découvrir différentes choses ;
- J’ai revu le gars d’hier, Plume. Il a finalement décidé de rester au moins une ou deux semaines sur la ZAD.
C’était plutôt cool de discuter avec les gens. Découvrir les différentes raisons qui les amènent ici est assez inspirant, il y a vraiment une grande diversité.
Je rentre aux Fosses Noires et je découvre deux nouvelles personnes qui sont arrivées pour quelques jours et qui viennent de Munich.
J’ai décidé de me poser tranquillement à l’espace lecture sur la mezzanine, quand j’ai entendu du bruit au niveau des pots à sous.
Au début je pensais que c’était une personne du collectif des Fosses Noires.
Je ne voulais pas spécialement me montrer mais, finalement, je me suis dit que c’était sûrement l’occasion de rencontrer une nouvelle personne des Fosses.
Quand je lui ai demandé si iel était des Fosses Noires, iel m’a dit que non, iel venait juste prendre un verre d’eau.
J’ai beugué, je me suis rassise, puis iel est vite parti.e.
Iel a en faite volé tout l’argent !
Après en avoir parlé à la personne de Munich qui était juste dehors, je suis allée voir une personne du collectif pour lae prévenir. Apparemment iel l’avait déjà vu et iel est connu pour voler sur la ZAD.
Ça m’a fait vraiment bizarre. Je crois que je suis contente qu’il y ait le couple avec moi au dortoir.
Je me suis vraiment laissée porter aujourd’hui.
Ce n’est toujours pas évident de trouver sa place au milieu d’un collectif et d’un endroit que je ne connais pas, mais ça c’est plutôt bien passé, malgré mon moral qui n’est pas au top en ce moment.
Alors que vraiment tout le monde me dit « c’est génial à vélo », « beau projet », « seule en plus », « waouh 6 mois, depuis le 3 avril ! ». On me dit que c’est inspirant.
Je crois que j’ai hâte de revoir des têtes que je connais.
Jour 4 - 03/08/2023
Nuit un peu spéciale. Le couple a pas mal bougé et finalement deux personnes se sont installées aussi dans la soirée.
Je me lève pour aller me changer dans un endroit tranquille en réfléchissant à ce que j’allais bien pouvoir faire aujourd’hui. Sûrement prendre mon vélo, visiter la ZAD et, pourquoi pas, faire un tour à la forge de Bellevue.
Je trouve un mot sur la table de la cuisine. C’est Sabrina, la personne que je suis allée voir hier pour l’histoire de vol, qui me propose de venir l’aider au chantier qu’elle est en train de faire.
Finalement ça va être journée chantier !
Sabrina est graphiste et est en train de construire son atelier ainsi que son coin chambre. C’est là que j’ai compris que la partie des habitant.e.s est en faite constituée d’une cuisine collective, d’une douche commune, d’une pièce bibliothèque/jeux de société et de deux chambres, mais qui servent pour les gens de passage comme de la famille.
Sinon chaque habitant.e a son espace personnel concernant la chambre et/ou douche.
Je vais donc vers 9h30 du côté des habitant.e.s et je retrouve Sabrina et les personnes venues l’aider pour ce chantier. Sa sœur Leila, son frère, son père et son ami.e Méline.
Jusqu’à 13h40 c’était pose de plancher !
Puis repas, petite pause et c’est reparti.
On a continué le plancher en bois déclassé. En vrai c’est plutôt satisfaisant comme tâche, car tu vois de façon concrète que ça avance. Journée terminée à 19h30.
Je savais que j’étais prévue à la raclette du soir mais à la fin du chantier, Sabrina m’a proposé de rester dormir dans la maison et donc d’occuper une des chambres de passage.
Trop gentille. Je suis contente, je vais pouvoir dormir plus tranquille.
On fait le repas raclette où j’ai pu rencontrer Thomas un habitant des Fosses Noires qui vit depuis 3 ans dans le collectif, puis on a regardé Les visiteurs et tout le monde au lit !
Jour 5 - 04/08/2023
Nuit bizarre quand même.
À 5h du matin une personne est montée, s’est lavée les dents et j’ai l’impression qu’elle s’est posée au niveau des canapés, au coin bibliothèque. Mais ce matin quand je me suis levée, je n’ai vu personne.
Petit-dej et s’est reparti au chantier. Le plancher est terminé !
Cette fois-ci, c’est Leila et moi qui nous occupons du repas : couscous de légumes. Etant deux amoureuses d’animaux autres qu’humain.e.s, on a beaucoup discuté.
On était en train de parler quand une personne est rentrée sans frapper. On l’a regardé bizarrement iel a dit « désolé j’aurai dû frapper ». Iel cherchait une personne mais n’étant pas de la ZAD nous n’avons pas pu lae renseigner.
Thomas nous a rejoint avant que l’on passe à table et nous lui avons parlé de cet épisode, ainsi que de ce qu’il s’est passé cette nuit, car étant dans la deuxième chambre, Leila avait entendu la même chose que moi.
Iel nous a dit que la personne que l’on a vu ce midi est sûrement la personne qui est passée cette nuit.
Une fois, Ali lui avait proposé de venir dormir dans une des chambres car iel était seul au sleeping. Mais depuis iel a tendance à revenir alors que c’est le lieu de vie des habitant.e.s et pas le lieu d’accueil.
16h on mange enfin.
L’heure du repas est toujours l’occasion d’en apprendre plus sur les gens qui m’entoure et de me nourrir de leurs histoires, c’est vraiment enrichissant.
J’apprends que la vie à la ZAD n’est pas toujours évidente car il y a des fois des tensions. Mais iels se sentent quand même bien sinon iels ne s’y seraient pas installé.e.s.
On m’a également parlé des expulsions qui ont eu lieu en 2018, qui furent très difficiles pour elleux, il y a eu beaucoup de grenades de tirer aux Fosses Noires, il fallait constamment être sur le qui-vive.
C’est reparti au chantier cette fois-ci avec Méline pour poser le lambris.
Vers 20h on va chercher des courgettes chez des maraîcher.e.s de la ZAD. Iels vivent en partie de la production de légumes mais surtout du bois qu’iels découpent. Iels font du débardage et transportent le bois par traction animale, grâce aux chevaux/juments que Sabrina nous a présenté. Iels sont magnifiques.
On rentre, on mange et ce soir on regarde le film The Mask !
Ah oui et Sabrina m’a parlé de l’association Longo Maï, dont une est installée à Treynas.
C’est un collectif en autogestion spécialisé dans la filière bois et qui, justement, travaillent avec les chevaux/juments en traction animale. Elle me conseille d’y passer, il y a moins de personnes que dans d’autres collectifs, iels sont donc peut-être plus accessibles.
Jour 6 - 05/08/2023
Cette fois-ci, personne n’est venu cette nuit.
J’ai juste entendu Leila monter vers 5h car elle pensait qu’il y avait encore quelqu’un.e.
On a commencé le chantier assez tard aujourd’hui vers 11h (comme on s’est couché tard avec la soirée film, le réveil était difficile).
Sabrina a proposé à un nouveau couple arrivé hier, de venir aider au chantier. Il s’agit de Delphine et Calixte qui sont dans la même démarche que moi. On s’est échangé nos blogs : lesfaucon.wordpress.com
Cette fois-ci le repas était quasiment prêt car il restait les légumes du couscous d’hier midi.
Michel, un des habitant.e.s des Fosses Noires est rentré.
On repart sur le lambris avec Leila et à 16h30 c’est le départ de Leila et Méline.
Je décide d’aller me promener. Je vais à la Noé verte qui porte bien son nom car elle est vraiment verdoyante !
Il y a aussi un lieu d’accueil et c’est ici qu’il y a la conserverie.
Je décide ensuite de passer à la bibliothèque où je découvre le phare construit en 2016/2017.
La bibliothèque était fermée, enfin apparemment elle était ouverte, c’est juste que la poignet est montée à l’envers... Je verrai demain si j’ai la motivation d’y passer avant de partir.
Ce soir c’est soirée quiches et dodo.
Jour 7 - 06/08/2023
Le matin je me réveille tranquillement et je prends mon petit déjeuner avec Delphine et Calixte. Elleux vont ramasser des mûres et moi je décide finalement d’aller à la bibliothèque.
J’ai bien fait car elle est géniale. Je me suis pas trop attardée non plus car sinon j’aurai voulu emprunter plein de livres (et j’ai déjà une certaine pile qui m’attend…).
Quand je reviens toustes les autres étaient levé.e.s. J’ai donc pu leur dire au revoir et me voilà repartie sur la route direction Nantes, pour rejoindre Tom et reprendre le périple à vélo jusqu'au festival Agir pour le vivant, à Arles !
Je suis fière de ma semaine et contente que, malgré mon moral mitigé, je me sois bougée.
Je repars avec plein de souvenirs en tête et plein d’informations supplémentaires à digérer...
Conclusion
Pourquoi j'ai voulu aller à la ZAD de NDDL et ce que j'en retire
J'ai beaucoup entendu parler de cette ZAD, qui est devenue un lieu d'expérimentation anti-capitaliste, anti-autoritaire et d'autogestion, où les habitant.e.s essayent de nouveaux modes de vie et de nouvelles façons d'habiter un territoire.
De plus, j'ai lu "Ethnographies des mondes à venir" d'Alessandro Pignocchi et Philippe Descola qui traite d'autres façons de vivre le monde en changeant notre relation à la nature, aux milieux de vie ou encore aux autres vivant.e.s non humain.e.s. Pour cela, ils appuient leurs propos sur des exemples de combats autochtones et de luttes territoriales, dont la lutte à Notre Dame des Landes et ils nous livrent une relation aux vivant.e.s et au territoire qu'ils ont découvert sur la ZAD.
J'avais donc envie de voir par moi même comment ça se passe aujourd'hui sur la ZAD.
- Quelle organisation collective est mise en place ?
- Comment, malgré les différentes façons de vivre, et les différentes valeurs portées par les habitant.e.s, iels cohabitent ?
- Et surtout comment est leur rapport aux vivant.e.s et quel est le rapport qu'iels entretiennent avec le lieu de vie qui les accueille ?
J'ai passé une semaine sur la ZAD et, en si peu de temps, il m'est impossible de comprendre la complexité des rapports qu'il y a au sein de la ZAD et surtout les différents rapports aux vivant.e.s qui peuvent exister.
Cela m'a quand même permis d'avoir un petit d'aperçu de ce qu'il s'y passe et de découvrir la vie de certain.e.s habitant.e.s.
Ce fut une expérience enrichissante qui montre que, même si il y a des différents entre certaines zones d'habitations et que ce n'est pas toujours simple, iels arrivent à cohabiter sur ce territoire et continue de lutter ensemble contre d'autres projets écocides.
J'ai pu voir brièvement comment quelques collectifs s'organisent et, au cours de mes discussions, l'impact sur un groupe du facteur humain est beaucoup ressorti.
J'avais déjà compris et remarqué que, pour mettre en place un collectif, il faut prendre du temps pour co-construire des règles de vie, qu'il faut régulièrement y revenir pour s'assurer que cela convient toujours et que tout le monde se sent bien.
Ce n'est pas un exercice facile, sachant que, dans notre société actuelle, on ne nous y prépare pas.
Aux Fosses Noires, où j'étais accueillie, j'ai l'impression qu'iels faisaient des réunions régulières pour parler de différents sujets sur ce qu'il y a à faire sur le lieu ou parler d'évènements personnels.
Il s'agit d'un moment où iels parlent également des personnes qui les ont contacté.e.s pour venir sur le lieu et donc organiser leurs accueils.
Il y a donc différents collectifs à gérer : le collectif des habitant.e.s et le collectif lié aux personnes de passage.
J'avais déjà conscience de ce que cela pouvait impliquer la construction d'un collectif, mais je n'avais par contre pas conscience, en tout cas pas à ce point-là, de l'énergie mentale et émotionnelle qu'engendre la gestion de personnes extérieures.
Tout cela m'interroge sur la gestion des ces différents types de collectifs :
- Comment mettre en place des règles de vie avec les personnes qui ne sont que de passage et s'assurer que cela leur convient et que ces règles de vie ont été comprises ?
- Comment préserver la zone d'intimité du collectif d'habitant.e.s ?
- Comment gérer des évènements de types vols ou agressions qui peuvent avoir lieu dans un collectif ?
Concernant le rapport au vivant qu'il y a sur la ZAD, je n'ai pas d'avis particulier car je n'ai pas pu explorer cet aspect. En effet j'ai, juste discuté avec un.e éleveur.euse de la ZAD, observé qu'il y a pas mal d'élevages sur le lieu et participé à une journée au potager collectif où iels font, en partie, du travail mécanisé.
Ce n'est donc pas suffisant pour que je me fasse un avis général sur le rapport aux vivant.e.s dans la ZAD.
Eva FOURCADE - 4 septembre 2023