Ça y est, je prends le temps de me poser sur mon aventure.
A mon retour je ne me suis pas rendue compte que 6 mois étaient passés. Ce n’est que deux trois jours après que mon moral a baissé.
« Alors c’était bien ton voyage ? Qu’est-ce que t’as appris ? » Les réponses m’étaient difficiles et je répondais en surface.
Je n’arrivais pas à prendre le temps de me poser sur ce que j’avais vécu. Je devais digérer mon retour.
Ça a pris plusieurs mois, mais le moment est maintenant venu de faire le point sur ce que j’ai vécu, appris.
Cycles Vivants
Cette idée de périple m’est venue suite à une prise de conscience des crises qui se déroulent actuellement (crises sociales, dérèglement climatique, effondrement du vivant). Ce que je faisais n’avait plus de sens.
Il fallait que je parte pour :
- Rencontrer des personnes qui ont décidé de faire un pas de côté pour œuvrer, à leur échelle, au bien-être du monde, et qui proposent des solutions face aux enjeux actuels afin d'apprendre à leurs côtés des façons de vire autrement ;
- Questionner comment ces vivant.e.s humain.e.s, qui ont décidé de vivre autrement, prennent en compte les autres, les intègrent et essaient de vivre en harmonie avec ;
- Partager mes réflexions et questionnements afin, non pas de donner une solution, mais d'ouvrir nos imaginaires et pouvoir penser à d'autres façons de vivre, écrire de nouveaux récits, qui intègrent tout le monde, dont soi ;
- Prendre du temps pour me retrouver et me recentrer sur ce qui est important pour moi.
Départ 3 avril 2023
5 jours de vélo, 3 warmshowers
10 jours de randonnées et de vélo dans l'Ariège
Pause familiale à Toulouse, mariage, 7 jours de vélo
Ô jardin des Kamis et Les simples sacrés - Aurélie et Juliette - Passeuse de nature et Sorcière
20 jours
9 jours de vélo, 2 jours à Bordeaux, 3h de voilier, 2 jours à La Rochelle, 3 jours à Rennes
14 jours de vélo de Nantes à Arles
7 jours
4 jours de vélo Arles -Toulouse, pause à Toulouse
5 jours
Retour à la maison : 3 jours de vélo
Arrivée 20 septembre 2023
Un total de :
- 3350 km de vélo
- 171 jours
- 8 étapes : 4 woofings, 1 ZAD, 1 festival, 1 chantier participatif, 1 formation cuisine
- 3 mois de formation éco-facilitation
- 50 km de randonnées
- 3h de voilier
- 24 départements traversés
- 0 crevaison
- Beaucoup de vélo routes
- Un nombre infini de rencontres
Ce que j'en retire...

L'importance d'expérimenter
Durant mon périple, j'ai découvert différents parcours tous aussi inspirants les uns que les autres.
J'ai pris le vélo seule et j'ai réussi à faire de nombreux kilomètres. J'ai mis les mains dans la terre, découvert des plantes, utilisé différents outils, gardé des enfants. On ma fait confiance et ça fait du bien.
Plusieurs fois, lorsque je demandais aux personnes qui m'ont accueillies comment elles faisaient certaines choses, et pourquoi, la plus part du temps on me répondait : "j'ai testé et ça a donné ça."
J'ai découvert et appris plein de nouvelles choses. Mais ce qui m'a marqué est l'importance de l'expérimentation. C'est bien de se renseigner dans les livres ou d'apprendre à travers l'expérience des autres. Mais chaque situation, chaque contexte est différent.
Voilà donc ce que je retiens : il faut expérimenter, tester, se tromper, se construire, faire son propre chemin. Ces aventures sont les plus enrichissantes.
Mon rapport au temps et à l'espace
Durant ce voyage, mon rapport au temps et à l'espace a évolué.
En effet, avant de partir, effectuer 15km de vélo ou 1h de marche me paraissait énorme et me demandait de gros efforts.
Dans cette société
où tout doit aller toujours plus vite, j’étais habituée aux
déplacements en voiture qui me permettait d’avaler les kilomètres
en un minimum de temps. Avec cette machine, grande consommatrice
d’énergies fossiles, je ne me rendais absolument pas compte du
chemin que j’avais parcouru.

Avec ce voyage, j’ai appris à apprécier la distance. Ma vision de la norme concernant mes déplacements a changé : parcourir de grandes distances prend du temps et cela est normal. Ce qui n’est plus normal pour moi c’est de parcourir des milliers de kilomètres en avion en à peine 1h, comme-ci le pays d’à côté était à deux pas de chez nous.
J'ai pris conscience que ralentir est important, que ça soit pour soi ou pour le reste du vivant. C'est quelque chose que j'ai pu sentir à l'intérieur de moi.
Pendant le voyage, dès que je me mettais une pression, que je me pressais, je commençais à m'énerver, à stresser. Je ne profitais plus du moment présent et j'avais plus de mal à réfléchir.
En prenant le temps, je faisais attention au vivant autour de moi, à la beauté du paysage, à la température extérieure.
En ralentissant je prenais le temps de respirer d'être à l’écoute de mes sens, de construire des relations, de digérer des connaissances, de prendre du plaisir.

Mon rapport à moi
J'ai d'abord appris à me connaître en tant que cycliste. Au fur et à mesure de mon voyage, j'ai augmenté le nombre de kilomètres que je pouvais parcourir en une journée. J'ai pris confiance en moi et en ce que pouvait réaliser mon corps, ce qui m'a donné envie de changer mon trajet. Grâce cette confiance que j'ai gagné sur mes capacités, j'ai découvert de nombreux paysages en traversant la France.
J'avais confiance en mon corps pour me porter. Ce rapport à mon corps à continuer à changer durant le voyage. D'abord à travers la confiance que je lui avais accordé puis sur la vision que j'avais de lui.
En effet, en tant que femme on a à faire à beaucoup d'injonctions concernant notre physique que ça soit sur notre pilosité, notre carrure, notre taille de poitrine et j'en passe.
Vivre dans un autre confort duquel je n'avais pas l'habitude m'a permis de plus l'apprécier tel qu'il est.
De plus, cela m'a permis d'être plus à l'écoute de ce qui se passait à l'intérieur de moi de mes émotions.
Mon rapport aux vivant.e.s
A travers ce voyage, je voulais également observer comment ces vivant.e.s humain.e.s, qui ont décidé de vivre
autrement, prennent en compte les autres les intègrent et essaient
de vivre en harmonie avec.
J'ai vraiment apprécié ces exercices d'interviews et écouter toutes ces personnes qui voulaient bien me partager une certaine vision de leur monde.
Écouter toutes ces personnes était vraiment enrichissant et pratiquer de l'écoute active (écouter avec le cœur, ne pas interrompre les personnes) m'a vraiment fait du bien.

Être vraiment à l'écoute des autres est quelque chose que l'on fait très peu dans notre société, on a souvent tendance à couper les autres, à anticiper ce qu'iels vont dire ou à penser à ce qu'on a à dire pendant qu'une personne est en train de nous parler.
Si vous le pouvez, essayez de réellement écouter la personne qui vous parle, vous pourriez être surpris.e de ce qu'elle peut vous révéler.
Concernant la vision que j'ai des autres êtres vivant.e.s, celle-ci n'a pas changée et elle s'est même renforcée.
Ce que l'on fait subir aujourd'hui à des milliards d'individu.e.s : les traiter comme des objets, les exploiter pour leur chair sous prétexte que "c'est bon" ou que "c'est le cycle de la vie", les envoyer dans le couloir de la mort au sein des abattoirs pour les égorger vifs... tout ceci est inadmissible et je continuerai à me battre pour que ces êtres vivants finissent un jour par avoir une vie digne.
Conclusion
A travers ce voyage, je cherchais une certaine légitimité. Être légitime à parler de certains sujets, être légitime d'animer des ateliers, être légitime à faire un jardin potager... .
Je suis ravie
d’avoir rencontré des personnes qui m’ont permis d’expérimenter
dans la matière. Même si je ne me rappelle pas de tout, je sais aujourd'hui que
je suis capable de faire quelque chose de mes mains, par moi même.
Même si, après mon retour, je suis retombée dans de vieux schémas (peur de ne pas réussir, perte de confiance en soi...) je me promets de ne pas oublier ce que j'ai appris et de me le répéter de temps en temps, en espérant, qu'à terme, ce soit cette façon de penser qui devienne ma nouvelle habitude de vivre.
Les être vivant.e.s forment un tout et sont interconnecté.e.s. On a toustes une place dans la toile du vivant.
Je n'ai pas encore trouver totalement ma place dans cette toile, mais je sens qu'elle est en train de ce construire petit à petit.
Aujourd'hui, Cycles Vivants prend un nouveau chemin. En plus d'être un voyage à vélo, un chemin personnel, Cycles Vivants est devenu une micro-entreprise.
L'idée de cette micro-entreprise est de sensibiliser tous types de publics aux enjeux socio-écologiques.
Pour ce faire, je vais notamment utiliser les outils que j’ai découvert et vécu lors de la formation éco-facilitation. Je vais faire en sorte d’intégrer dans mes ateliers ou dans mes accompagnements sur ces enjeux socio-écologiques, des moments de retour à soi et de prise en compte de ses émotions.
Se lancer n’est pas forcément évident, mais je garde en tête le fait qu’il faut expérimenter. Il n’y a qu’en testant que je pourrais vraiment savoir si c’est quelque chose qui me correspond et avec lequel je me sens à l’aise.
Le voyage de Cycles Vivants m’a permis de renforcer mes valeurs et ce en quoi je crois. Je vais donc continuer à avancer en essayant de construire ma vie et mes projets le plus en accord avec ce qui est important pour moi et ce que je pense juste.
Bien sûr, les aventures à vélo ne s’arrêtent pas là, je vous dis donc à bientôt pour de prochaines aventures !
Eva FOURCADE - 3 avril 2024